Aujourd'hui, c'est la troisième génération asiatique qui peaufine l'inox à Rikon, et un quart des 120 employés sont Tibétains! «Parmi les anciens, certains ne se sont jamais vraiment mis à l'allemand. La moitié de notre personnel tibétain a toujours besoin de directives traduites.»
Depuis quarante ans, le suississime village s'est familiarisé avec le rouge brique et l'orange. Sur 900 habitants, 200 sont des Tibétains. Presque tous ont désormais un passeport à croix blanche. «Beaucoup d'efforts ont été faits pour informer les deux communautés. Il n'y a jamais eu de tensions à Rikon.»
Depuis les années 60, cette communauté exilée en Suisse – la première en nombre après l'Inde – doit beaucoup à l'empire familial Kuhn. Rikon a ouvert une école, un institut culturel qui abrite la plus grande bibliothèque de «tibétologie» en Europe, puis un monastère, dès 1968, consacré par le dalaï-lama.
Les mots de Wolfgang Auwärter évoquant l'autorité tibétaine résonnent comme un refrain populaire: «Personnalité très facile d'accès, joyeuse, communicative, curieuse de tout, d'une rare intelligence.» Entre ce physicien alémanique, homme de technique et de résultats chiffrés, et le dalaï-lama, passé une dizaine de fois à Rikon, le courant a passé simplement: «Le dalaï-lama est passionné par les sciences. Il est direct et très critique. Il pose des questions fondamentales auxquelles aucun scientifique occidental n'a peut-être jamais pensé! C'est fascinant parce qu'il nous fait douter des bases de nos conceptions.» Qu'est ce que le dalaï-lama a changé dans la vie d'un directeur d'usine protestant, qui dit ne savoir pratiquement rien du bouddhisme? «J'ai appris à poser des questions. Et à remettre en cause le fonctionnement de mon esprit.»
Durant le séjour du dalaï-lama en Suisse, «Le Temps» égrène témoignages et récits de ceux qui ont croisé sa route.