Stress, anxiété, burn-out: les universités se mobilisent pour aider les étudiants
Santé psychique
Stress lié aux examens, à la précarité, aux notes, à l’isolement… Les étudiants suisses sont nombreux à solliciter un soutien psychologique. A travers le pays, universités, écoles et associations se mobilisent pour informer et aider

Pour certains, il y a le stress lié aux cours («ai-je le niveau?») ou à l’obtention du diplôme final. Pour d’autres, le stress relatif au remboursement d’un prêt bancaire, au coût de la vie, à la nécessité de trouver un emploi dès la fin des études. Pour d’autres encore, le mal du pays, l’éloignement des parents, la difficulté de se faire de nouveaux amis, l’isolement que provoquent les réseaux sociaux… Par rapport à l’année précédente, la quasi-totalité des écoles et universités suisses observent en 2019 une hausse du nombre de demandes de consultations visant à remédier à des états d’anxiété, de troubles du sommeil ou de l’alimentation, de phénomène d’isolement, d’hyperactivité ou encore de déficit de l’attention.
Clémentine est étudiante en master à Genève. Depuis quelque temps, elle est sujette à des crises de panique, notamment en présence d’une foule, comme dans les transports en commun. Elle s’inquiète aussi de savoir si elle pourra rapidement rembourser son prêt dès la fin de son cursus. En mars, elle a obtenu un premier rendez-vous auprès du Pôle Santé Social de l’université. «Je suis très heureuse de la façon dont se déroulent les rendez-vous avec la psychologue. Les progrès sont réels et je la revois à chaque fois avec bonheur.» Chaque rendez-vous/consultation lui coûte 25 francs, au lieu de 150 dans un cabinet en ville.
Genève et Lausanne se distinguent par leur réactivité
S’inspirant des pratiques en vigueur aux Etats-Unis et au Canada, Genève et Lausanne ont été pionnières dans la prise en compte de la santé psychique des étudiants. Spécialiste en psychothérapie, Pierre Moiroud est le chef du Pôle Santé Social de l’université de la Cité de Calvin. «Je travaille sur ces questions depuis 1992, mais c’est en 2002 que nous avons décidé à Genève que la consultation psychologique serait rattachée aux services centraux.» Entre 2002 et 2019, le nombre de consultations est passé de «80 nouvelles demandes par an à plus de 400, explique-t-il. Du coup, certains n’arrivent pas à trouver des rendez-vous rapidement, car il n’y a pas assez de disponibilités. Mais le nombre d’heures dédiées se compte en milliers et les consultations se déroulent dans à peu près toutes les langues, pour nos nombreux étudiants étrangers!»
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De son côté, l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne (EPFL) a mis en place une consultation sociale gratuite pour tous les cursus, des étudiants en bachelor aux doctorants. Mais également un système de «coachs»: des étudiants de deuxième ou troisième année chargés d’intégrer les nouveaux étudiants et qui sont formés avant la rentrée académique par des professionnels du Centre hospitalier universitaire vaudois (CHUV) pour repérer leurs collègues en détresse psychologique. Enfin, une consultation psychothérapeutique composée de psychologues et de psychiatres du CHUV est à la disposition des étudiants et des doctorants sur le campus. La première consultation est gratuite et payée par l’EPFL, les autres sont facturées mais remboursées par l’assurance maladie.
Plusieurs centaines de patients supplémentaires par an
A travers la Suisse, tout le monde s’y met. «Si nous prenons les chiffres sans pondérer avec l’évolution de l’effectif global, nous avons relevé entre 2016 et 2018 une hausse de 9% pour les rendez-vous à la consultation sociale et de 38,5* % pour la consultation psychothérapeutique», explique Nathalie Ritter, cheffe du Service des affaires estudiantines à l’EPFL. Ce qui représente plusieurs centaines de patients supplémentaires par an. Les Universités de Bâle et de Saint-Gall relèvent également une augmentation des demandes de soutien.
Certes, ces augmentations peuvent s’expliquer par le fait que les jeunes ont moins peur de consulter. «J’ai vu avec le temps qu’aller voir le psychologue est de moins en moins stigmatisé», confirme Pierre Moiroud. Mais le phénomène demeure réel et grandissant. Ancienne étudiante à Bâle, Fatjlume Halili a créé il y a deux ans l’association Mind-Map. «Quand j’étais étudiante, j’ai connu des situations très stressantes et j’ai parfois eu du mal à les affronter. Je croyais être la seule au monde, j’avais peur d’aller consulter. On ne parle jamais assez des problèmes psychosomatiques. Or la santé mentale est aussi importante que la santé physique et c’est pour cela que j’ai créé Mind-Map. Pour mieux informer les étudiants et qu’ils arrêtent de souffrir en silence.»
Prendre en compte le stress que représente la précarité
Au printemps 2020, Mind-Map, associé à l’Union des étudiant-e-s de Suisse (UNES) et à Swimsa (Association suisse des étudiant-e-s en médecine), lancera une enquête nationale pour dresser un véritable état des lieux dans un paysage changeant. On sait par exemple que le nombre d’étudiants a doublé en Suisse ces vingt dernières années. Or on retrouve parmi eux des jeunes dont les parents n’ont pas les moyens de payer des études longues et qui doivent donc s’endetter, ou travailler de nombreuses heures en dehors des cours. Provoquant fatigue et stress. «On parle ici d’étudiants qui travaillent non pas pour se payer des vacances, mais bien pour survivre», précise Fatjlume Halili.
J’aimerais dire aux étudiant-e-s que ce n’est pas normal d’être tout le temps stressé et de penser non-stop à ses travaux à rendre ou à ses examens: il ne faut pas hésiter à demander de l’aide!
Une fois qu’elle sera réalisée, notamment via une plateforme numérique, l’étude sera rendue publique. L’UNES entend la porter sur la place publique auprès des autorités politiques. Ludmilla Dorsaz, 27 ans, membre du comité exécutif, explique que «le but est d’identifier à la fois les facteurs de stress et les ressources à apporter pour que les choses aillent mieux. Nous voulons disposer de données plus claires pour ensuite porter des revendications politiques et entamer un travail de fond.» Elle-même se souvient avoir, comme tant d’autres, traversé des moments de doutes, d’angoisses, sans avoir pour autant osé consulter. «Ça ne me semblait pas utile sur le moment, mais j’aurais dû. J’aimerais dire aux étudiant-e-s que ce n’est pas normal d’être tout le temps stressé et de penser non-stop à ses travaux à rendre ou à ses examens: il ne faut pas hésiter à demander de l’aide!»
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Dès ce mois de novembre, à l’initiative de l’UNES, plusieurs événements sont prévus pour lutter contre ce fléau et mieux informer. Après une première table ronde organisée le 25 novembre à Neuchâtel sur le thème de la santé mentale des étudiant-e-s, en collaboration avec l’institut de psychologie et éducation de l’université, une conférence y est prévue le lendemain soir sur le thème «Stress au travail et burn-out: de quoi parle-t-on?». La même semaine, plusieurs ateliers seront organisés autour de la gestion du temps, de la gestion de soi et du stress. Avec notamment des séances de yoga et de nombreuses discussions, afin de briser le tabou.
Plus d'information
Table-ronde du 25.11 La santé mentale des étudiant-e-s: état des lieux, témoignage et pistes d'amélioration en collaboration avec l'institut de psychologie et éducation de l'université
Conférence du 26.11 : Stress au travail et burn out: de quoi parle-t-on ?
* Le pourcentage initialement présenté (4%) était erroné. Il a donc été modifié.