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15n, le rendez-vous de l’architecture à l’heure des enjeux urbanistiques

Du 5 au 13 mai, la Société suisse des ingénieurs et des architectes offre à la visite une grande diversité d’ouvrages construits. La manifestation s’étend à toute la Suisse

Dans l’éditorial de la brochure présentant les ouvrages sélectionnés pour la 15n 2012, Stefan Cadosh, le président de la SIA, met l’accent sur la «culture du bâti», insistant sur le fait que «chaque bâtiment, chaque pont et chaque tunnel est à la fois un élément et un reflet de nos usages. Comme témoins de notre forme de civilisation, ils incarnent notre mémoire, notre présent et notre devenir».

Une manière de replacer tout ouvrage architectural dans un contexte élargi au mode de vie et surtout à l’environnement. Car aujourd’hui où la population suisse compte près de 8 millions d’habitants, l’occupation du territoire est, plus que jamais, un enjeu majeur.

Pour la première fois depuis sa création en 2006, la manifestation s’étend à toute la Suisse avec 332 objets présentés au public. Sur tout le territoire, villas, logements collectifs, écoles ouvriront leurs portes à heures fixes pour des visites libres ou guidées. Des présentations qui permettront aussi de replacer dans leur contexte places urbaines, ponts, et autres chantiers d’envergure. Pour chaque ouvrage, architectes et ingénieurs seront sur les lieux pour expliquer leur démarche et le processus de construction. Une participation active visant à rendre intelligibles au public des savoir-faire très spécialisés.

La 15n est l’occasion de revenir sur le fonctionnement de la SIA, organisation de professionnels à l’origine de cet événement annuel et qui fête cette année ses 175 ans d’existence. Et aussi d’envisager l’avenir de l’urbanisme en Suisse avec Cyril Lecoultre, architecte du bureau vaudois bunq architectes et président du comité d’organisation de la 15n, groupe intercantonal.

Le Temps: Pouvez-vous nous retracer brièvement l’historique de la 15n?

Cyril Lecoultre: En 2006, nous ne présentions qu’une trentaine d’ouvrages dans le canton de Vaud. D’année en année, la manifestation a pris de l’ampleur… On a pu s’étendre tout d’abord à la Suisse romande, les sections SIA genevoise, valaisanne, neuchâteloise et fribourgeoise se ralliant à l’événement en 2007. Puis on a traversé le Röstigraben avec Berne en 2009 et cette année toutes les sections de Suisse participent, dont Zurich, notamment, qui représente plus de la moitié de nos membres.

– C’est la première année qu’est mentionnée l’ingénierie dans l’intitulé de la manifestation. Pourquoi cette volonté?

– Il ne faut pas oublier que la SIA est aussi composée des ingénieurs liés au bâtiment et à l’environnement. Nous voulions montrer au public le savoir-faire de ces corps de métier. Ce n’est pas un architecte tout seul qui élabore un projet, il doit tenir compte des normes techniques, environnementales et économiques à respecter, c’est un travail d’équipe. Et nous voulions montrer toute la palette de la SIA. Inclure les ingénieurs dans le titre de la manifestation les invite aussi à prendre part de façon plus prépondérante à l’événement et à développer leur communication. L’ingénieur joue un rôle majeur car il a la responsabilité de tous les éléments structurels de n’importe quel bâtiment. Quant aux ingénieurs en environnement, ils réfléchissent au contexte dans lequel s’implante un bâtiment ou un quartier (lire encadré).

– Pourquoi insistez-vous spécialement sur la culture du bâti dans cette présentation?

– Généralement, quand on fait référence au bâti auprès du public, on nous cite les Journées du patrimoine. Les gens ont toujours eu une relativement bonne culture en relation avec l’histoire du bâti mais on parle peu du bâti contemporain. Et c’est ce qui va façonner notre avenir, l’avenir du territoire. Le but de cette 15n, c’est de vulgariser cette culture-là et qu’elle intègre les discussions de tous les jours. Il faut que le bâti contemporain fasse définitivement partie des biens culturels suisses.

– Mais pour pouvoir définir une culture, il faut qu’il y ait des fondamentaux. N’y a-t-il pas de grandes différences intercantonales dans le domaine du bâti?

– En termes de règles communes, justement, la SIA édicte des normes de savoir-faire constructif qui font référence dans toute la Suisse. Pour être homologué SIA, il faut être détenteur d’un diplôme, le métier d’architecte n’étant pas protégé dans notre pays. La SIA définit une qualité suisse du bâti, un savoir-faire qui dépasse largement les frontières cantonales.

– L’intérêt du public pour la culture du bâti est-il réel? – Oui. Nous le ressentons depuis qu’on a lancé la 15n. Il y a un nombre grandissant de visites. Je pense que c’est dû en partie aux émissions télévisées, aux blogs et à la presse spécialisée, mais il y a un intérêt grandissant pour l’architecture. L’année passée nous avons eu 20 000 visiteurs, sachant que tous les cantons n’étaient pas représentés. Cette année on espère dépasser 25 000 visiteurs. C’est aussi l’occasion de se retrouver entre professionnels et de faire le bilan de la SIA, jubilé oblige.

– Une curiosité qui paraît se limiter à «comment bien vivre chez soi». Mais au niveau de l’urbanisme, comment pensez-vous capter l’attention du public?

– Le développement des villes est une problématique centrale. Utiliser la 15n pour mieux communiquer sur les différents types de projets de développement urbain reste un des points fondamentaux à développer dans l’avenir. Pour l’instant, si on regarde les objets présentés cette année, ce sont essentiellement des constructions individuelles. Ce serait très important de communiquer, via la 15n, sur les grands projets en cours (par exemple l’expansion de l’Ouest lausannois, l’éco-quartier d’Artamis ou le secteur Praille-Acacias-Vernets à Genève pour lequel deux concours viennent d’être lancés). Plus les questions urbanistiques feront partie de notre quotidien et seront débattues publiquement, plus les gens auront de la facilité à comprendre et envisager ce genre de changement dans leur environnement.

On a pris conscience ces dernières années de l’étalement urbain, de la rareté d’un de nos biens les plus chers, la terre. Les enjeux politiques sont très importants. Je fais souvent le parallèle avec la période des années 50-60 où on a construit énormément de logements en très peu de temps. Mais les préoccupations de l’époque étaient différentes de celles d’aujourd’hui. On a consommé passablement du territoire depuis ces 40 dernières années… Aujourd’hui, nous vivons une période où le besoin en logements est prépondérant mais où se pose aussi la question de la préservation de nos ressources et du renouvellement de nos villes.

– Le secteur de l’architecture paraît très dynamique avec l’émergence de jeunes bureaux toujours plus nombreux.

– Oui, il y a une très forte concurrence. Prenons l’exemple des concours: pour davantage d’équité dans la profession, des normes et des cahiers des charges à respecter ont été définis, notamment grâce à la SIA. Il y a différents types de concours mais le plus répandu en Suisse est le concours ouvert, c’est une chance fabuleuse pour les architectes.

Un concours ouvert, c’est un concours anonyme où chacun a virtuellement les mêmes chances de le remporter, que vous vous appeliez Herzog & de Meuron ou X. Depuis 1994, le concours ouvert a connu un essor grâce à la loi sur les marchés publics, devenant obligatoire pour une commune ou un canton dès qu’on dépasse un certain montant en coût de construction. Dans les années 80, on pouvait avoir des mandats directs. Un architecte construisait l’école d’une commune car il était ami avec le syndic. Aujourd’hui, vous vous retrouvez en face de 80 projets anonymes identifiables seulement par des pseudonymes et le jury choisit le projet qui est le plus en adéquation avec un programme, un lieu et un coût.

– N’est-ce pas extrêmement coûteux pour les bureaux de participer à des concours sans garantie de le remporter?

– Dans les grandes sociétés, on appelle ça le «département recherche et développement». Ce n’est jamais perdu quand vous participez à un concours. L’expérience acquise permet d’aborder des thématiques similaires avec plus d’aisance puisque vous avez déjà été confronté à un programme et à des contraintes liés à tel type de projet (une école par exemple). D’autre part, certaines de nos préoccupations se retrouvent et se développent dans les projets que nous présentons. Une grande part de l’activité de notre bureau est dévolue aux concours.

– Mais qu’est-ce que cela vous rapporte financièrement? S’il y a beaucoup de participants, il y a peu d’élus?

– C’est une manière d’accéder à des mandats. Il est clair qu’il faut les gagner. Autrement, on a des mandats privés. Mais dans notre bureau, 80% du chiffre d’affaires est lié aux mandats publics. C’est un vrai challenge. Ça permet aussi l’éclosion d’énormément de bureaux sur la scène suisse ces dernières années, qui ont pu acquérir des mandats d’importance grâce aux concours ouverts. Il n’y a qu’à voir la vivacité de très jeunes bureaux comme Pool Architekten à Zurich ou Dreier Frenzel à Lausanne, qui obtiennent des mandats de qualité grâce aux concours.

– Pouvez-vous proposer une petite sélection d’ouvrages à visiter en Suisse romande que vous conseilleriez au public?

– L’Ecole des métiers du bureau Grader Pulver à Fribourg par exemple, ou encore la halle logistique du CICR du bureau group8 à Genève, qui sont de très beaux ouvrages.

Renseignements sur www.15n.ch

A télécharger sur le site: l’application iPhone/smartphone qui permet de localiser les ouvrages à visiter et qui sera actualisée durant la manifestation.