Le couturier et la rose
La reine des fleurs a marqué l’enfance de Christian Dior. Et l’a inspiré dans toutes ses créations. Reportage à Granville, dans son jardin familial, devenu un musée
Gabrielle Chanel avait le camélia et les lions. Yves Saint Laurent le Maroc. Christian Dior, les fleurs. Passionnément. Le couturier en brodait sur les étoffes de ses vêtements, en posait au creux d’un corsage, en piquait sur une ceinture, les ajoutait aux formules de ses parfums. Il se dit même qu’il cachait des brins de muguet dans les ourlets de ses jupes corolles pour lui porter chance lors des défilés. Parce que les fleurs, odorantes, lumineuses, colorées, ont parsemé le décor de son enfance merveilleuse sur la falaise d’une côte venteuse de Normandie.
Construite en 1895 dans le style Belle Epoque sur les hauts de Granville dominant l’océan, la villa Les Rhumbs a été achetée par ses parents, riches industriels, en 1905. «La mère, Madeleine, a fait venir des dizaines de tonnes de terre pour créer un jardin anglais luxuriant sur ce terrain aride, battu par le sel et le vent», explique Frédéric Bourdelier, directeur de la division Culture & Héritage de la marque Christian Dior Parfums, sitôt le portail d’entrée franchi. Difficile d’imaginer le passé de granite, schiste et calcaire en déambulant le long de cet hectare verdoyant, ombragé par diverses essences d’arbres, entre autres des pins que Christian Dior, une fois adulte, disait avoir vu grandir, tout comme lui, contre vents et marées. Conçu comme un intérieur, le parc est encore aujourd’hui composé de plusieurs espaces, chacun avec son identité. Ils sont séparés de la falaise par un haut mur de pierre et un rideau de végétation, des conifères denses les protégeant des vents du nord.