«Nous développons des comprimés qui permettent de rajeunir de dix ans»

Pourquoi nous vieillissons et pourquoi ce n’est pas une fatalité (Ed. Quanto): le titre de ce livre résume les vingt-cinq années de recherche menées par son auteur, le docteur David A. Sinclair. Professeur de génétique à la Harvard Medical School, à Boston, il est convaincu que le vieillissement est une maladie qui pourra être facilement traitée à coups de comprimés d’ici quelques décennies, au point qu’il deviendra normal de vivre au-delà de 100 ans. Par le biais de la marque de cosmétique française Caudalie, avec laquelle l'Australien d'origine travaille en étroite collaboration depuis dix ans, le magazine T a pu joindre ce dernier par téléphone pour faire le point sur les dernières avancées de ses recherches.

Lire aussi: La Suisse vieillit

Le Temps: Pourquoi trouvez-vous l’idée de vivre au-delà de 100 ans si intéressante?

La vieillesse est un problème qui dégrade notre existence, nos familles. J’avais 4 ans quand ma grand-mère m’a dit que tout le monde allait mourir, y compris mon chaton adoré. Je me souviens du choc que cela a engendré. Garder les gens en vie plus longtemps, en bonne santé, a été très tôt une ambition qui a conditionné mes études et mon parcours. Ce dont on parle encore peu, c’est le fait que la plupart des maladies qui limitent la productivité et l’appréciation de la vie sont causées à 80% par le vieillissement de l’organisme. Ce dernier en soi est donc une maladie. Le fait qu’il concerne de manière naturelle toute la population ne le rend pas plus acceptable pour autant. Je veux prouver que les effets de l’âge avancé sont un état médical traitable et apporter des solutions concrètes pour le contrôler.

En quoi les habitudes de vie influencent-elles la vieillesse?

Nous avons mis du temps à réaliser par exemple que l’obésité ou le tabac accélérait le processus. Nos recherches ont révélé qu’une vie longue et plus saine dépend d’une combinaison de facteurs liés à une bonne hygiène quotidienne et des traitements capables de ralentir, voire d’inverser, le vieillissement. En ce qui me concerne, je ne consomme plus de viande et d’alcool. Je fais du sport. J’évite au moins un repas par jour pour pratiquer ce qu’on appelle «le jeûne intermittent».

Quelles sont vos dernières découvertes sur le rajeunissement?

Elles sont très prometteuses. Nous avons publié en 2020 les résultats d’un traitement efficace pour guérir la cécité causée par des glaucomes ou la vieillesse de nos souris de laboratoire. Nous sommes désormais en mesure d’inverser le vieillissement de n’importe quel tissu analysé, telles les cellules du foie ou des reins. La prochaine étape sera la mise sur le marché d’un médicament pour que, dans un avenir proche, les personnes âgées ne perdent plus la vue. Nous sommes en train de concevoir le moyen, peu onéreux et simple, de rajeunir de manière globale l’organisme de dix ans par le biais de comprimés à prendre en cure.

Comment cette cure de jouvence s'établirait-elle?

Concrètement, les médecins devraient pouvoir prescrire ce médicament, à prendre pendant quelques semaines à partir de 50 ans. Nous avons découvert qu’il est possible de répéter cette cure plusieurs fois dans la vie de manière sûre. Chaque dix ans, on rajeunirait ainsi d’une décennie, ce qui permettrait de rester jeune plus longtemps. Cela ne se fera pas éternellement, car je crois que l’être humain ne sera jamais éternel, mais on vivra facilement plusieurs décennies de plus!

Quand estimez-vous que le médicament sera mis sur le marché?

Dans dix ans environ. Comme toute nouvelle technologie, ce traitement sera sans doute cher et ciblera des maladies précises, comme la cécité. Avec le temps, son prix baissera et il deviendra aussi abordable que n’importe quel médicament sur la planète. Je pars du principe que les gouvernements devraient le financer eux-mêmes, parce que les économies réalisées sur le secteur de la santé, entre autres, se chiffreraient en milliard.

Lire aussi: Qu’il est dur de vieillir!

Comment vieillira la population au prochain siècle?

Je n’ai aucun doute sur le fait qu’il sera normal de vivre en bonne santé au moins jusqu’à 120 ans grâce à ces nouveaux traitements. Les prévisions suggèrent que la moitié des bébés qui naissent en ce moment passeront la barre des 100 ans, tandis qu’actuellement seul 2 à 3% de la population atteint cet âge.

Que répondez-vous aux nombreux sceptiques quant au fait de pouvoir rajeunir?

S’ils avaient accès aux résultats de mes recherches et à ce qui se fait dans mon laboratoire, ils comprendraient que rajeunir n’est plus de la science-fiction. La preuve: un grand nombre de nouvelles entreprises pharmaceutiques travaillent sur le sujet. Quelqu’un va forcément gagner la course. Ce ne sera pas forcément moi.

Ne pensez-vous pas que les sociétés auront du mal à gérer cette surpopulation de centenaires?

Non, car les économies réalisées sur le secteur de la santé permettraient par exemple de financer le développement de nouvelles technologies alimentaires, d’investir dans de nouvelles politiques sociales et écologiques pour un monde plus durable.

L’enjeu tient-il au fait d'éviter les maladies ou de nous rendre plus résistants?

Rendre le corps plus résistant. Plutôt que de traiter la fin du processus, soit les maladies, l’enjeu tient à mieux armer l’organisme. Ce dernier est capable, on le découvre, d’éviter et même d’inverser les effets de la plupart des maladies, même le vieillissement cérébral.

Ce rajeunissement de l’organisme concerne-t-il aussi l’apparence du corps?

Oui. L’apparence des cheveux et du corps va changer. La peau est un tissu qui se régénère aussi: elle paraîtra plus jeune, c’est certain.

Est-ce pour cette raison que vous collaborez avec la marque française de cosmétiques Caudalie depuis dix ans?

Absolument. Les produits cosmétiques se développent bien plus vite qu’un médicament, ce qui nous permet de concrétiser nos découvertes. Par exemple, nous avons isolé en laboratoire l’enzyme baptisée Ten-eleven translocation (TET), capable d’inverser le processus de vieillissement cellulaire. Couplée à un actif pharmaceutique, l’honokiol, issu du magnolia, et à du resvératrol, un puissant antioxydant naturel, dans la nouvelle gamme Premier Cru de Caudalie, ses effets sont décuplés sur les huit principaux marqueurs de l’âge: rides, ridules, déshydratation, taches, perte d’éclat, de fermeté, d’élasticité et de volume.

Lire aussi: Jouvence en seringues