Son rire communicatif s’impose comme un remède presque miracle aux tracas d’une journée morose. A travers les différentes vidéos qu’elle poste sur TikTok ou Instagram, Elsa Majimbo, lunettes sur le nez, un paquet de chips dans la main, enchaîne depuis sa chambre un phrasé sarcastique dans lequel elle loue ses plaisirs coupables du confinement. «Depuis le début de la pandémie, nous sommes tous isolés et personne ne me manque», s’esclaffe-t-elle.

Il n’en fallait pas plus pour que cette vidéo et les autres qui suivront deviennent virales sur les réseaux sociaux. En quelques mois, son attitude détendue, son regard rieur, un poil moqueur, et surtout son inimitable «mâcher» de chips ont propulsé Elsa Majimbo au rang de superstar des réseaux sociaux dans les quatre coins du globe. Lorsqu’elle a commencé, sa communauté ne comptait «que» 7000 adeptes. Désormais, plus de 2 millions de personnes suivent quotidiennement les aventures de la jeune Kényane.

Ses vidéos cultes sont abondamment reprises et imitées tandis qu’elle multiplie les interventions médiatiques et entame surtout des partenariats commerciaux avec des grands noms de la cosmétique. Le géant canadien MAC d’abord, puis la marque Fenty, lancée par la chanteuse barbadienne Rihanna.

Un passe-temps dangereux pour son père

Née un beau jour de juin 2001 à Nairobi, Elsa Majimbo, 19 ans, incarne la réussite à laquelle de nombreux jeunes aspirent. Rien ne prédestinait cette étudiante en journalisme de l’Université Strathmore de Nairobi à une telle ascension. Elle raconte d’ailleurs volontiers au New York Times comment son père s’est longuement opposé à ce qu’il considérait être un passe-temps pouvant provoquer de nombreux dangers.

Pas vraiment de quoi décourager la Kényane dont le caractère bien trempé et l’assurance transparaissent systématiquement à travers ses vidéos. Cette persévérance, Elsa la doit peut-être à sa passion pour les échecs qu’elle pratique depuis son plus jeune âge. Une discipline dont elle fut 15 fois championne, s’enorgueillit-elle.

Dans une vidéo diffusée par Netflix intitulée The Real Queen’s Gambit, en référence à la série produite par le géant américain, mettant en scène l’histoire de Beth Harmon, une orpheline devenue championne d’échecs dans les années 1960, Elsa Majimbo pose un intéressant parallèle entre sa carrière et le jeu de stratégie: «Les échecs et ma carrière sont très similaires. Tout est dans le jeu long, et dans le jeu final. Les maîtres en la matière en savent quelque chose.» «Il ne sert à rien de gagner à tous les coups et de remporter tous les pions si, à la fin, je finis par perdre», poursuit-elle.

Idem lorsqu’il s’agit d’accepter des campagnes publicitaires et d’autres collaborations. Il faut analyser la situation, toujours, avant de se positionner. Elle peut, pour cela, compter sur un manager qui semble canaliser sa fougue et son engouement. «Il me disait souvent: ne choisis pas cette campagne maintenant […]. Cela représentait des milliers de dollars, mais lui me disait d’attendre le gros lot. Je le regardais et lui disais: mais c’est le gros lot!» s’amuse-t-elle. Avec Elsa, humour et dérision ne campent jamais loin même si son propos est parfois éminemment politique, comme lorsqu’elle raconte le problème du colorisme à Nairobi, soit la différence de traitement en fonction du degré de «noirceur» de la peau.

Elle a désormais son propre podcast

«J’ai toujours été au bas de la chaîne alimentaire, car Nairobi est une ville coloriste où des hommes et des femmes à la peau claire sont mis en avant», dit-elle. […] Les gens ne me traitaient pas de la meilleure façon et j’en ai eu assez qu’on me dise ce que je devais être alors que ça n’était pas ce que je voulais. […] J’ai commencé à me manifester en dehors de cet espace et à me mettre dans un espace où je savais ce que je voulais», confiait-elle dans les colonnes du magazine Vogue.

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«Je suis une jeune femme africaine à la peau foncée très fière», martèle-t-elle sans détour. Ses détracteurs n’auraient guère imaginé que son succès s’exporte au-delà du continent africain. Pourtant, Elsa dispose désormais de son propre podcast, Bedtime With Elsa, dans lequel elle converse avec des invités de renom: la chanteuse britannique Jorja Smith, ou encore la youtubeuse canadienne Lilly Singh. Les oreilles d’Elsa ne devraient presque plus siffler, son contenu attire des internautes du monde entier. Echec et mat, non?


Profil

2001 Naissance à Nairobi.

2020 Sa vidéo devient virale.

2020 Signe son premier partenariat avec MAC Cosmetics Africa.

2021 Lancement du podcast «Bedtime With Elsa».


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