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Une Lausannoise a créé le compte Swiss Fat Girls pour faire l’apologie de la flemmardise, du gras et du sucre. Avec beaucoup d’humour et un esprit revendicatif

«Mince, calme, sexy. Le livre de l’angoisse.» Ou «la bière, valeur sûre pour bide gonflé.» #glucides; #unhealthylifestyle; #flemme. A coups d’image de malbouffe aux légendes et hashtags humoristiques, le compte Instagram Swiss Fat Girls balaie le culte du bien-être. Près de 1700 abonnés dégustent cette plateforme décomplexée lancée en juillet 2017.
Partie d’un constat sur l’omniprésence des stéréotypes sur Internet, l’idée s’est transformée en blague numérique. Normal, le cerveau du compte est une comédienne de théâtre et improvisatrice professionnelle, Agathe Hauser. «J’ai voulu diversifier les photos qu’on trouve habituellement sur les réseaux sociaux avec humour, explique cette Lausannoise de 26 ans. Mais il ne s’ agit pas d’une représentation de mon quotidien. On reste dans le domaine de l’image.» Une apparente différence qui résonne dans sa normalité. Facile de s’identifier à cette facette de l’anti-glamour qui ne montre aucun corps, aucune silhouette. «Seulement» de la malbouffe.
Pour nommer son compte, Agathe a détourné Swiss Fit Girls, une association qui rassemble des jeunes femmes autour de leur passion pour le fitness et dont le compte Instagram compte quelque 2240 abonnés. «Je suis contre la surreprésentation d’un mode de vie basé sur le bonheur et la minceur, ainsi que les injonctions qui y sont associées, continue Agathe. Déculpabilisons, profitons de la vie et acceptons que personne ne soit parfait!»
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La jeune femme l’assure: pas de militantisme dans sa démarche. Loin d’elle l’idée de faire de ce monde virtuel sa priorité ou d’agréger une communauté. Elle ne prévoit pas non plus de créer un site internet ou même une simple page Facebook. «Instagram a une limite. Oui, le contenu prête à rire, mais les questions qu’il soulève devraient surtout être posées à travers d’autres médias, comme la télévision ou le cinéma.»
Dans le sillage du «body positivism»
Sur les réseaux, d’autres anonymes et célébrités désacralisent la perfection. Entre autres, la comédienne australienne Celeste Barber, qui excelle dans les répliques parodiques de photos de stars. Ou la blogueuse britannique Chideda Eggerue, qui célèbre les poitrines tombantes grâce au hashtag #SaggyBoobsMatter. Ou encore Women In Real Life, qui distille des moments de vie aussi imparfaits que familiers. Ils sont de plus en plus nombreux à se positionner contre la vague majoritaire sur Internet.
«Je n’ai pas subi de discrimination vis-à-vis de mon propre corps, admet la jeune femme. Mais dans mon métier, où la majorité des pros sont minces, mon physique peut être considéré comme atypique.» Le droit à la différence, la marginalité, l’étrangeté sont des thèmes qui alimentent sa démarche artistique, pas seulement virtuelle.
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Quelques mois après l’ouverture de Swiss Fat Girls, Agathe se réjouit des réactions, positives. «Quand j’ai créé le compte, j’ai d’abord réfléchi à la forme, avant de penser au fond. J’ai été très spontanée et je ne pensais pas qu’il prendrait du sens pour les autres. Tant mieux s’il pousse à la réflexion!»
Heureusement, il n’y a pas de guerre des clans entre deux modes de vie a priori antagonistes. «Les Swiss Fit Girls «likent» aussi les photos du compte et m’envoient parfois des photos d’elles autour d’un repas de fast-food.» La force du compte Instagram créé par Agathe? Hommes ou femmes, sportifs ou paresseux, tout le monde peut en rire.