67. C’est l’éloquent nombre d’années depuis lequel un panel de personnalités influentes attribue à une femme le titre ultime de «plus belle femme de l’Univers». La 68e cérémonie a pris place le 8 décembre dernier à Atlanta aux Etats-Unis. Au terme d’une célébration rythmée par des défilés hauts en couleur, des chutes et des approximations du présentateur Steve Harvey, c’est la Sud-Africaine Zozibini Tunzi qui s’est vu décerner la couronne de Miss Univers 2019. Rien de très inédit ou surprenant donc, si ce n’est que cette année la lauréate est une femme noire aux cheveux courts et crépus et ne ressemble en rien aux gagnantes que l’on a l’habitude de voir.

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«J’ai grandi dans un monde où une femme comme moi, avec mon type de peau et mon type de cheveux, n’a jamais été considérée comme étant belle», a-t-elle regretté. «Je pense qu’il est temps que ça change aujourd’hui.»

Dimension politique

Les réactions sont vives sur les réseaux sociaux. Les uns se réjouissent de voir une femme noire accéder à ce titre même s’ils remettent volontiers en question l’essence du concours et l’exercice qui consiste à juger une femme sur sa «beauté», quand les autres ne voient en cette consécration qu’un choix opportuniste, une forme de discrimination positive, inhérente au fait que les femmes noires soient sous-représentées dans les concours de beauté. Depuis l’existence de Miss Univers, seules trois femmes noires d’origine africaine ont pu accéder au titre: la Botswanaise Mpule Kwelagobe en 1999, l’Angolaise Leila Lopes en 2011 et Zozibini Tunzi.

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Entre rabaissement et hypersexualisation

Il faut dire que dans l’imaginaire collectif, la femme racisée, et la femme noire notamment, a souvent bénéficié d’une représentation limitée ou hypersexualisée, qui refusait de prendre en compte la diversité et la pluralité des corps.

«Au XXe siècle, aux Etats-Unis et en Europe, les images des femmes noires qui circulaient étaient plutôt de l’ordre du racisme de commodité. Cela se faisait via des publicités culinaires ou ménagères où elles étaient représentées comme grosses et très foncées. C’était le stéréotype dévalorisant de la «mammy», résume Pamela Ohene-Nyako, historienne doctorante à l’Université de Genève. En Europe, la colonisation a aussi favorisé la circulation de représentations animalisant et hypersexualisant les femmes noires. Actuellement, les femmes noires représentant l’idéal dominant de beauté afro demeurent celles qui ont des peaux claires, qui ont des cheveux lisses et longs.»

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Sommes-nous en train d’assister à un changement de paradigme? Le chemin semble encore long. «Il y a un côté positif du fait que ce soit une femme noire, foncée de peau et aux cheveux crépus qui gagne ce concours de Miss Univers, et surtout par ce qu’elle représente en rapport au racisme anti-Noirs. Mais il faudrait plus de mise en avant de femmes noires dans des milieux qui sortent de la mode, la beauté, la musique, qui sont des sphères où on les retrouve plus qu’ailleurs», conclut l’universitaire.