Avec India Mahdavi et Vincent Darré, il appartient à ces architectes d’intérieur français qui ont remis du glamour dans leur métier. Sophistiquée et colorée pour la première, fantasque et surréaliste pour le second. Et pour Pierre Yovanovitch? «Je ne suis pas minimal, parce que c’est une sorte de névrose alors que moi, j’aime chiner toutes sortes de choses, même assez simples, chez les brocanteurs. Mon style se définirait plutôt par un goût appuyé pour les architectures sobres, construites et rigoureuses, agrémentées par un choix d’objets et d’œuvres qui les font parler.»

Cet été, le décorateur parisien succédait aux deux premiers dans le rôle de président du jury du 3e Festival international d’architecture d’intérieur, organisé à Toulon par la Design Parade d’Hyères. Dans un ancien évêché, lourde bâtisse provençale du XVIe siècle, il y présentait aussi L’érotomanie de Mlle Oops, pièce en un acte mais sans personnages, dans une scénographie extravagante qui mêlait de l’art pointu, du design bizarre et des situations étranges.

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«J’aime raconter des histoires à travers les œuvres que je choisis. Le mobilier que je crée fait souvent référence au cinéma, notamment à celui de Steven Spielberg – j’ai fait une lampe E.T. – et de Tim Burton», explique Pierre Yovanovitch, qui regrette que ce type de proposition atterrisse trop rarement sur son bureau. «Parce que les gens vous mettent dans des cases et pensent que vous ne travaillez que pour les riches. Alors que j’adorerais réitérer ce genre d’expérience, par exemple autour de la musique du XXe siècle, qui me passionne.»

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Début chez Cardin

Son goût pour le beau, le Parisien l’a d’abord exercé dans la mode. Chez Pierre Cardin, pour qui il a dessiné les collections hommes pendant huit ans. «J’ai beaucoup aimé travailler dans ce milieu, même si j’y suis entré par accident. En 2001, j’ai décidé d’ouvrir mon agence d’architecture d’intérieur parce que la passion du dessin m’habitait depuis l’enfance.» Pierre Yovanovitch aime la pureté du design scandinave et les ambiances dépouillées. Il a aussi la particularité de collectionner l’art contemporain. Ce qui lui permet de compléter ses services d’ensemblier avec ceux d’art advisor. Comprenez qu’il peut livrer à ses clients un package complet avec architecture d’intérieur et les œuvres qui vont avec déjà exposées dedans.

Dans son château de Fabrègues, dans le Haut-Var, l’architecte d’intérieur demandait à Claire Tabouret de réaliser l’année dernière la fresque qui décore désormais la chapelle de sa propriété. L’artiste française a composé une farandole colorée de 80 enfants pour habiter l’abside du petit édifice sacré. «J’aime la figuration. Claire Tabouret montre une maîtrise fantastique aussi bien de la couleur que du dessin», continue l’architecte d’intérieur, qui a déjà signé en Suisse des projets pour des résidences privées à Andermatt, à Zermatt et à Lutry.

Savoir s’amuser

Mais comme ses collègues, Pierre Yovanovitch travaille aussi pour des établissements moins exclusifs. Au printemps, il livrait le chai et la Casa de la Quinta da Côrte, domaine viticole situé dans la vallée du Douro au Portugal. Le propriétaire voulait en faire un lieu contemporain de production de vin en l’accompagnant d’un hôtel installé dans l’ancienne maison de maître du domaine. «Il y avait pas mal de contraintes. Il fallait parler du vin dans un terrain accidenté et transformer une maison à l’état de ruine en établissement hôtelier. Le chai devait se démarquer avec une architecture forte et minimale comme j’aime faire. Pour la maison de famille, il fallait la garder dans son jus du XIXe tout en donnant l’impression qu’elle avait évolué vers quelque chose de plus contemporain.»

Comment? En l’enrichissant avec des œuvres anciennes et modernes, des objets du XVIIIe et des pièces vintage. «Pour un type comme moi», c’était très drôle de livrer au même client deux écritures très différentes, reprend Pierre Yovanovitch, pour qui l’accumulation pour l’accumulation est un réflexe à éviter. Ce qui ne doit pas empêcher les traits d’humour et la part de dérision. «Architecte d’intérieur est un métier avec lequel on doit s’amuser. Tout cela, dans le fond, n’est pas très sérieux. Il faut quand même avoir à l’esprit que ce n’est pas avec ce métier que nous allons sauver l’humanité.»