Collection
Alexandre Thomas sera le commissaire-priseur de la prochaine vente d’automobiles de collection organisée par Galartis au château de Coppet. Explication d’un marché qui veut séduire les Suisses

Vous vous souvenez de cette Pontiac dorée que vous faisiez rouler sur le tapis du salon en faisant vroum vroum. Du haut de vos 5 ans, le modèle réduit Majorette vous emmenait sur des routes improbables zigzaguant entre les pieds du meuble de télévision. Et puis, vous avez grandi, passé votre permis et acheté une première voiture: c’était une Fiat Panda. Bye bye le rêve de surpuissance américaine. Quoique…
Faites un tour à partir du 10 novembre aux Automnales de Genève à Palexpo. Vous y verrez exposer les voitures de la vente aux enchères Motorcars organisée par la maison Galartis, qui se tiendra au château de Coppet le 19 novembre. Une quarantaine de véhicules rares dont les estimations varient entre quelques dizaines de milliers de francs et plusieurs centaines. «C’est la première fois qu’on organise une telle vente en Suisse», explique Alexandre Thomas, 29 ans, fan de mécanique et commissaire-priseur de cette vacation rugissante. «Il y en a bien quelques-unes, deux-trois fois par an à la galerie Toffen et à Montreux, mais elles proposent du tout-venant, des berlines, des sportives anciennes mais sans les réunir sous un même thème. J’ai choisi d’évoquer le Plaisir de conduire, ce qui me permet de présenter des véhicules extrêmement désirables et pas seulement pour des questions de puissance.»
Rêve d’enfant
Alexandre Thomas pense à cette Clio édition Williams sortie dans les années 1980. «Elle est estimée entre 15 000 et 25 000,00 euros. Il y a trois ans, vous la trouviez entre 5000 et 7000 euros. Ces petites sportives très nerveuses qui ont entre 20 et 30 ans et appartiennent à la catégorie des Young Timers. Elles sont aujourd’hui très recherchées par les collectionneurs.» Plus que les Old Timers? «Disons que les voitures d’avant-guerre n’ont plus trop la cote. A part des Bugatti vraiment exceptionnelles. L’amour de l’automobile, c’est une affaire générationnelle. Les collectionneurs et les passionnées craquent pour des véhicules qui les ont fait rêver enfants. Un acheteur de 35 ans va vouloir l’une de ces GTI qu’il a vu rouler dans la rue lorsqu’il était petit. Ou alors une BMW E30 dont la conduite est très spécifique. Comparé aux tenues de route des véhicules actuels où l’électronique gère tout, ces modèles d’avant les systèmes informatiques offrent des sensations uniques.»
Car oui, si on achète une voiture de collection, ce n’est pas pour la laisser prendre la poussière dans un garage. «C’est ce que font les spéculateurs responsables de l’explosion du marché de l’auto de collection il y a 10 ans. Aujourd’hui, les choses se sont calmées. Les prix sont redevenus raisonnables.»
Trouver la perle rare
Jusqu’à un certain point. Alexandre Thomas a négocié de longs mois dans l’espoir de décrocher une Ferrari 288 GTO des années 1970-80 pour sa vente. Il aurait pu l’afficher à 1,2 million d’euros. Une paille comparés aux 25 millions que peut coûter une Ferrari 250 GTO. «C’est un bolide dont il n’existe qu’une poignée d’unités en Europe. Son propriétaire a préféré finalement la vendre de gré à gré. Par souci de confidentialité. Et puis, il n’avait pas franchement envie de laisser son véhicule exposer pendant dix jours à la vue de tout le monde. En Suisse, où le marché de l’automobile de collection n’est pas encore très connu, il est plus difficile de convaincre un vendeur de proposer son véhicule aux enchères. Mais c’est un pays qui aime l’automobile et qui possède un vrai potentiel.» Mais pas autant que l’Angleterre, où les gens sont fous de bagnoles. «Ils ont un amour incommensurable des mécaniques anciennes et ont facilement accès aux pièces détachées pour les retaper. Même si le Brexit a porté un franc coup de frein à la collectionnite des Anglais, qui ne participent plus aux enchères aussi souvent qu’avant.»
L’amour de l’automobile, c’est une affaire générationnelle. Les collectionneurs et les passionnées craquent pour des véhicules qui les ont fait rêver enfants
Le 19 novembre, Alexandre Thomas et Galartis attendent des enchérisseurs de Suisse et d’Europe. «Surtout des Suisses, qui trouveront des modèles moins chers que dans les autres ventes européennes. Tous sont des véhicules dans des états superbes, connus et très glamour.» Comme cette Porsche 356 des années 1950 avec son look de Coccinelle écrasée. «Elle arrive dans un coloris que je n’avais jamais vu avant. Un bleu-vert extérieur avec un intérieur chocolat clair, le tout d’origine, certifié par le constructeur», reprend le commissaire-priseur né à Chinon, ville de Jeanne d’Arc, de Rabelais et dont les vignes produisent un cabernet célèbre. «J’ai vu toute mon enfance mon père bricoler le moteur de sa Simca. Je me suis naturellement passionné pour l’automobile. J’ai ensuite fait mes armes chez Artcurial Motocars, qui a vraiment lancé ce type d’enchères. Avant d’arriver chez Galartis à Crissier l’année dernière.»
La voiture de ses rêves? «Il y en a beaucoup. Mais disons qu’une Spyker C8 ne serait pas pour me déplaire. C’est une marque néerlandaise inscrite aux 24 Heures du Mans et dont le coup de crayon est magnifique. Leurs véhicules sont des chefs-d’œuvre qui allient l’ancien avec des intérieurs rappelant les détails empruntés à l'aviation des voitures d’il y a 50 ans, et un design très contemporain», explique cet amateur de tenue sportive. «Je roule dans une petite MGF dont j’ai intégralement refait le moteur. En général, je retape tous les véhicules en ma possession. Cela m’apporte de l’expertise et me donne aussi un lien avec la voiture. Comme tout passionné, j’entretiens une attache particulière avec ces machines.»
Supercars sous le sable
Autant dire que ce n’est pas demain qu’il proposera à la vente un engin électrique. «Et pourquoi pas? C’est vrai que j’ai essayé la Tesla Roadster. C’était très intéressant, mais le plaisir de conduire n’y est pas. Il me manque une pédale d’embrayage, d’entendre le son du moteur. Et puis au niveau du comportement, vous ne contrôlez absolument rien ni l’accroche ni la puissance.»
Si la vente du 19 novembre est un succès, Galartis organisera deux Motocars par an. «On aimerait beaucoup organiser une vacation pendant le Salon de l’Auto de Genève. C’est le seul des trois grands salons européens, avec Paris et Francfort, qui n’organise pas de vente aux enchères», observe Alexandre Thomas, pour qui c’est encore à Dubaï qu’il y a les meilleures affaires à faire. «Il faut de la patience, car la paperasse est compliquée. Mais vous avez là-bas des parcs entiers de supercars stationnés sur des parkings à ciel ouvert, ensevelies sous le sable. La peinture est morte, les moteurs à démonter entièrement, mais les prix y sont imbattables.»