L’œuvre
A Genève, le Centre d’art contemporain et la Collection de l’art brut font dialoguer les écritures fantasques d’hier et d’aujourd’hui

En 1948, Jean Dubuffet fondait la Compagnie de l’art brut. Le terme définit alors ces œuvres que l’artiste découvre principalement dans les asiles d’aliénés et qui dérogent aux règles de l’art officiel. Avant de s’élargir à la production de toutes celles et ceux qui pratiquent en autodidactes une forme d’esthétisme personnel et inné. C’est le cas de Reinhold Metz. Dans les années 1970, le bouquiniste allemand se lance dans une vaste entreprise: réaliser une version calligraphiée et enluminée du Don Quichotte de Cervantes. En tout, 270 pages où le texte de l’auteur espagnol est mis en scène par des encres fantasmagoriques aux couleurs vives et brillantes.
Quelques-unes de ces pages fabuleusement complexes sont exposées en ce moment au Centre d’art contemporain, qui consacre une grande exposition au rapport entre l’art brut et l’écriture, en collaboration avec la Collection de l’art brut de Lausanne. L’accrochage fait ainsi dialoguer les œuvres des artistes historiques du genre (Adolf Wölfli, Jeanne Tripier, Justine Python) avec celles d’artistes contemporains (Galaxia Wang, Greta Schödl, Guy de Cointet), pour qui le langage sert une autre forme de communication. Hanne Darboven, la reine de l’art conceptuel, avec une œuvre d’Aloïse Corbaz, la «mère» des artistes bruts. Pour dire aussi que l’accrochage porte une attention particulière aux femmes. Histoire de montrer comment, dès le début du XIXe siècle, leurs pratiques de graphies compulsives représentaient aussi un moyen d’exister dans un monde qui les rendait politiquement invisibles et socialement inaudibles.
«Scrivere Disegnando – Quand la langue cherche son autre», Genève, Centre d’art contemporain, jusqu’au 3 mai 2020.