Un projet pensé comme une ville. Voilà qui peut sembler étrange vu le lieu reculé où se situe la Maison de l’Ecriture: en l’occurrence, au pied du Jura, dans la petite bourgade paisible de Montricher, dans les hauteurs de Morges. C’est pourtant la règle d’or que s’est fixée son concepteur, l’architecte basé à Nyon Vincent Mangeat, aidé dans la réalisation par son associé, Pierre Wahlen.
Etablie entre forêt et terres cultivables, cette petite cité de 5000 m2 s’étend sous un gigantesque toit ajouré, évoquant une canopée, soutenu par une centaine de colonnes. La structure abritant une bibliothèque, un auditorium et un centre d’expositions, surprend d’abord par son ouverture sur le monde: on y entre comme dans une ville, sans même s’en rendre compte. «L’idée était de concevoir un système capable de croître et de se transformer, sans défigurations», souligne Vincent Mangeat. Une grande partie du terrain est encore disponible à l’ouest pour d’éventuelles extensions. Celles-ci pourront se réaliser, dans le futur, en cohérence avec le projet initial.
La mécène, Vera Michalski, éditrice et présidente de la Fondation Jan Michalski pour l’écriture et la littérature, souhaitait offrir aux écrivains un cadre favorisant à la fois la solitude et les rencontres, afin qu’ils puissent réaliser leurs œuvres dans des conditions optimales. Démarré voici deux ans et demi, le chantier, établi sur un site disposant d’une vue somptueuse sur les Alpes et sur le lac, devrait arriver à son terme dans un an.
Une structure évolutive
En guise de logements individuels, des cabanes suspendues à la canopée à des hauteurs variables accueilleront une dizaine d’écrivains en provenance du monde entier, préalablement sélectionnés pour y travailler quelques mois selon des critères qui restent à définir. Elles ont été conçues afin d’offrir des conditions «propices à l’inspiration»: en suspension dans l’air, elles bénéficieront non seulement de la vue sur les environs, mais aussi de proportions généreuses avec une répartition adéquate entre espaces de travail et de repos. Ouverte au public, la bibliothèque regroupera pour sa part sur cinq étages plus de 85 000 ouvrages dédiés à la littérature, à l’art contemporain, à la peinture, à l’architecture, à la photographie, à l’histoire ou aux relations internationales.
Afin de suivre la pente naturelle du terrain, les colonnes mesurent entre 9 et 18 mètres. Chacune dispose de quatre crochets représentant autant de points d’attaches pour les constructions qui pourront y être suspendues, notamment les fameuses cabanes. Les bâtiments ancrés au sol – bibliothèque, auditorium, salle d’expositions – ainsi que la canopée sont constitués en béton blanc coulé sur place. A l’intérieur de ces constructions, ont été glissées des structures en chêne massif.
Un projet d’envergure
Au cœur de cette cité, une «piazzetta» ouverte sur Lausanne, que l’on distingue parfaitement au loin en cas de beau temps, joue la même fonction qu’une place centrale dans une petite ville. Le plan d’ensemble a été largement renseigné par les bâtiments préexistants qui abritaient une ancienne colonie de vacances.
Ce projet d’envergure – qui a nécessité près de 650 tonnes d’échafaudages – s’inscrit dans une autre forme de continuité: il sert de base à Vincent Mangeat, professeur honoraire à l’EPFL, pour les cours qu’il délivre au sein de l’Ecole spéciale d’architecture de Lausanne (ESAR), fondée voici quelques années en compagnie d’autres anciens assistants et collaborateurs de l’Ecole polytechnique. Histoire que la relève se lance sur de bonnes bases. Et qu’elle n’oublie surtout pas de «penser » la ville.
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