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Des Suisses à la traque d'un temple d'Artémis à Erétrie

Le professeur Pierre Ducrey et l'Ecole suisse d'archéologie en Grèce commencent leurs sondages ce matin.

Le professeur Pierre Ducrey regarde pensivement le sol. Quelque part tout près de lui, sous trente centimètres d'humus, doit se cacher le temple d'Artémis Amarysia, l'un des derniers grands sanctuaires de Grèce non encore découverts. L'Ecole suisse d'archéologie en Grèce, rattachée à l'Université de Lausanne, le traque depuis des années. Et les fouilles pour le localiser commencent ce lundi matin à 6h. L'an dernier, les Suisses étaient presque certains de mettre la main dessus, mais la chance légendaire qui les accompagne depuis le début de leurs fouilles leur a fait défaut.

Thierry Theurillat, qui a mené les recherches l'année passée, n'est pas plus chagriné que cela. Il se définit même comme un archéologue malheureux, mais un chercheur heureux: «Nous cherchions un temple, nous ne l'avons pas trouvé, mais nous avons découvert un habitat préhistorique. En fait, en archéologie on trouve rarement ce que l'on veut, mais cela nous donne l'occasion de recommencer, c'est une excitation supplémentaire.»

Cela fait des années que les Suisses fouillent à Erétrie, sur la côte sud de l'île d'Eubée, à moins de deux heures de route d'Athènes. Dès le début, dans les années 60, ils ont les faveurs des dieux. Ils ont immédiatement fait des découvertes remarquables, la ville ancienne avec son théâtre, un ensemble de tombes du VIIIe siècle av. J.-C. avec de riches offrandes, les premières constructions géométriques qui ont précédé le sanctuaire d'Apollon et de belles maisons du IVe siècle av. J.-C. Mais le plus impressionnant, ce sont les splendides mosaïques à galets découvertes par Pierre Ducrey voici 30 ans, en 1977. Datées du IVe siècle avant J.-C., elles sont uniques et figurent dans tous les manuels récents d'histoire de l'art grec. Plus tard, l'archéologue Sylvian Fachard a découvert sur l'acropole d'Erétrie les anciennes forteresses de la ville datant du IVe siècle et, l'année dernière, c'est sa collègue Sandrine Huber qui découvrait un lion en pierre qui permet d'attribuer avec certitude à la déesse Athéna le temple situé sur ce sommet.

Un mois de sondages

Ce matin, les Suisses se concentrent sur leur Atlantide: le sanctuaire d'Artémis Amarysia. Ils se donnent un mois, le temps des fouilles, pour le trouver. Sinon, c'est remis à l'année prochaine. «Nous savons qu'il est là, tout près, enfoui sous les alluvions d'une rivière, dit Pierre Ducrey. Le texte du géographe antique Strabon et les inscriptions sur pierre le confirment, mais son emplacement exact nous échappe encore. Tout comme le temple d'Asclépios le dieu de la médecine, que je sais être quelque part sous nos pieds.»

Pour mettre toutes les chances de leur côté, les Suisses ont acheté grâce à de généreux mécènes deux terrains en continuation de la maison des mosaïques. Comme le prévoit la loi, ces terrains ont été offerts le 1er août à l'état grec: «Ce qui nous intéresse, ce n'est pas la propriété des terrains, mais les droits scientifiques liés à nos découvertes et l'usufruit du site», explique Pierre Ducrey. Etant donné l'importance des fouilles, les investigations sont conduites par une équipe gréco-suisse. Quand il sera découvert, ce sanctuaire éclairera «par un jeu de miroirs», dit Thierry Theurillat, toute l'histoire d'Erétrie: «Il peut être humble ou monumental. Mais on espère surtout trouver des offrandes et des inscriptions. C'est ce qui nous pousse chaque matin à retourner sur le terrain».