Claquettes-chaussettes, mocassins poilus, nouvelles expressions ou étranges locutions, les tendances ont parfois leurs raisons que la rationalité ou que l’esthétique peinent à expliquer. «Le Temps» inaugure un nouveau rendez-vous: deux fois par mois, notre journaliste reviendra sur une tendance qui l’interpelle.

Chronique précédente: Comment l’iconique sac Ikea est devenu un objet de luxe

TikTok. Des vidéos de 3 à 15 secondes dans lesquelles de jeunes adolescents se mettent en scène sur du play-back, dansent, et se lancent des défis. Un concept simple, le même que celui de l’application Musical.ly rachetée par TikTok en 2017 pour plus d’un milliard de dollars. Grâce à cette fusion, le réseau social, propriété du groupe chinois ByteDance, caracolait en tête des applications les plus téléchargées sur l’App Store début 2018, selon une étude du cabinet Sensor Tower, passant même devant les géants Facebook, Instagram et Snapchat.

Lire aussi:  Quand Musical.ly fait de toi une star

Si l’application séduit, c’est surtout parce qu’elle permet à ses utilisateurs de gagner rapidement en notoriété. De parfaits inconnus peuvent alors être propulsés au rang d’influenceurs grâce à une simple vidéo d’improvisation humoristique ou en filmant leur chat ou leur recette de cuisine.

En se perdant dans les méandres de l’application chinoise et sur les comptes des influenceurs les plus suivis, on peine à saisir l’intérêt de la démarche ou le comique de la situation. A 13 ans, la jeune Américaine Danielle Cohn peut s’enorgueillir d’une communauté de près de 15 millions de «tiktokeurs», tous suspendus à ses vidéos (qui se suivent et se ressemblent) dans lesquelles on la voit danser, chanter en play-back sous toutes les coutures. On assiste au mieux à des moments gênants, au pire incompréhensibles.

L’application est surtout plébiscitée par la jeune génération. Si le réseau social prévoit un âge minimum d’utilisation fixé à 13 ans, en France, 38% des 11-14 ans, déclaraient avoir un compte TikTok. Une donnée qui fait de la plateforme une cible de choix pour les prédateurs sexuels.

Le gouvernement indien a d’ailleurs sommé en avril dernier les géants américains Google et Apple de retirer l’application de leur boutique en ligne. L’affaire avait été lancée par un groupe de militants selon lesquels TikTok encourageait la pédophilie et la pornographie. L’application n’a pas été supprimée mais avait retiré environ 6 millions de vidéos controversées. Plus récemment, l’application a supprimé des comptes qui postaient des vidéos de propagande de l’organisation Etat islamique.

Ingérences chinoises?

TikTok inquiète à tel point qu’une enquête fédérale a été ouverte début novembre aux Etats-Unis sur le rachat de l’application Musical.ly par l’entreprise chinoise ByteDance. Plusieurs sénateurs s’affolaient de l’usage des données des millions d’utilisateurs américains de l’application et des éventuels risques de contre-espionnage.

Lire également: Huawei affecté par des soupçons d’espionnage sur le réseau fixe

L’accord conclu il y a deux ans a donc été passé au peigne fin par le Comité sur l’investissement financier étranger aux Etats-Unis. TikTok a passé début 2019 la barre du milliard de téléchargements dans le monde.

In fine, on se questionne encore sur l’intérêt du concept TikTok. Mais en a-t-il moins que celui de poster d’innombrables photos de ses repas sur Instagram, de raconter les étapes de sa vie sur Facebook ou encore de donner son avis de spécialiste de rien sur à peu près tout sur Twitter?