Sur les réseaux
Le rejet du référendum sur l’accord de paix avec les FARC provoque colère et désillusion sur les réseaux. Où les mots-dièse fleurissent pour dire les sentiments partagés que le vote suscite

#Meduelescolombia (Colombie, tu me fais mal), #Paisinsensato (pays insensé), #Dolordepatria (douleur patriotique): sur Twitter, le résultat sorti des urnes dimanche attriste les internautes. Moins de 60 000 voix d’écart auront suffi à enterrer l’accord historique entre le gouvernement et les FARC (Forces armées révolutionnaires de Colombie). Avec lui, l’espoir de mettre un terme définitif à un conflit qui gangrène le pays depuis cinquante ans et dont la violence a fait plus de 260 000 morts, 45 000 disparus et 6 millions de déplacés. Avec un faible taux de participation (37,28%), la victoire inattendue des opposants suscite colère et désillusion.
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Victimes humiliées
«Pauvre Colombie, même la paix nous divise», twitte un usager désabusé. Pour les défenseurs de l’accord, la victoire du «non» à 50,23% inflige une nouvelle humiliation aux millions de victimes de la guérilla armée, pour qui le texte signé le 26 septembre prévoyait réparations et justice. «Les personnes qui ont voté non sont celles qui n’ont jamais entendu le bruit d’une balle ou qui n’ont jamais dû abandonner leur maison à cause de la violence», dénonce @sophiacardona7.
Los que votaron no, son personas que nunca han escuchado una bala o les ha tocado dejar su casa por la violencia. #MeDuelesColombia
— Sofía. (@SophiaCardona7) 3 octobre 2016
Après plus de quatre ans de négociations, le verdict est amer. «Etre si proche du but et le manquer à cause de personnes ignorantes qui oublient le passé… Ce n’est pas ainsi qu’on obtient la paix», déplore @anajhosep. «Encore combien de morts? Combien d’années? La guerre se vit définitivement mieux à la télévision», ajoute encore @viktormirandal.
#MeDuelesColombia ¿cuantos muertos más? ¿cuantos años más? Definitivamente la guerra se ve y se vive mejor por televisión.
— Victor Miranda Leyva (@viktormirandal) 3 octobre 2016
Parallèle avec le Brexit
NON à la paix? Le caractère «contre productif» du vote étonne. «Si les Colombiens étaient des dinosaures, ils voteraient en faveur de la météorite», ironise un internaute. «En Hongrie, le non aux réfugiés l’emporte, en Colombie, on vote en faveur de la guerre. Le monde est une maison de fous. Et un meurtrier», se désespère @nega_maiz. Certains rapprochent le vote colombien et celui des Anglais en juin dernier, arraché lui aussi à une très courte majorité. «D’abord le Brexit, maintenant la Colombie… Et les experts assurent que Trump ne gagnera pas. Nous sommes dans de beaux draps», déplore @garardotc.
Primero el Brexit, ahora Colombia... Y los expertos internacionales aseguran que Donald Trump no ganará. Estamos bien jodidos.
— gerardo tecé (@gerardotc) 2 octobre 2016
La paix oui, mais pas à n’importe quel prix
Chez les opposants, en revanche, le raccourci dérange. «Arrêtons de dire que la Colombie a dit non à la paix, c’est non aux FARC, au communisme, au terrorisme, aux enfants soldats. Plus de mensonges, #Colombiadecide», twitte @jenngaleano. Ceux qui ont fait campagne à travers le hashtag #Salvaelpaisvotano (sauve le pays, vote non), saluent aujourd’hui le rejet d’un pacte «rempli de pièges et de mensonges», véritable «saut dans le vide» pour la Colombie. «NON à l’accord avec les FARC. On ne négocie pas les terroristes», se félicite encore @Erasmoprovenza.
Stop saying #Colombia says NO to Peace! It's NO #FARC, NO communism, NO terrorism, NO children in the war, NO more lies! #ColombiaDecide
— Jennifer Galeano (@JennGaleano) 3 octobre 2016
En cas d’acceptation, l’accord de paix prévoyait notamment la démobilisation du mouvement armé et sa transformation en parti politique. «Les Colombiens ne rejettent pas l’accord de paix, nous n’acceptons simplement pas de récompenser des meurtriers», s’indigne @dearsantiago.
Colombians are not rejecting the peace deal....we are just not ok with supporting murderers and rewarding them for killin #ColombiaDecide
— Daniela シ (@dear_santiago) 2 octobre 2016
A l’étranger, l’annonce du résultat a provoqué une onde de choc. «La Colombie fait face à l’abîme en refusant la paix avec les FARC», titre le quotidien espagnol «El Pais». Le journal colombien «El Espectador» questionne quant à lui les causes de ce triomphe inespéré. Faut-il blâmer l’excès de confiance du gouvernement, la vague de désinformation ou encore la religion?
Le président colombien résiste
Malgré la défaite, le président colombien Juan Manuel Santos, acteur majeur de l’accord de La Havane, a annoncé qu’il ne se rendrait pas et continuerait à chercher la paix jusqu’au dernier jour de son mandat. «C’est l’unique moyen de laisser un pays meilleur à nos enfants», a-t-il déclaré sur Twitter en précisant que le cessez-le-feu en vigueur était maintenu. Par la voix de leur leader Timoleón Jiménez, les FARC ont elles aussi réitéré leur engagement pacifique. «Le peuple colombien qui rêve de paix peut compter sur nous. La paix triomphera.»
Nouveau pacte politique?
Passé le choc, l’avenir du processus de paix occupe le cœur du débat. Renégociation de l’accord ou nouveau pacte politique incluant l’ancien président Álvaro Uribe, fer de lance de l’opposition, comme l’annonçait le quotidien local El Tiempo: au-delà des divergences politiques, seul un consensus parviendra à réconcilier la Colombie avec elle-même.