Ueli Steck, Piolet d’or pour son solo à l’Annapurna
alpinisme
La plus haute distinction de l’alpinisme récompense le Suisse et balaie les doutes résiduels exprimés par certains sur la véracité de son exploit
L’Oscar de la grimpe à Ueli Steck
Alpinisme Le Piolet d’or récompense le solo intégral de l’alpiniste bernois à l’Annapurna
Des rumeurs mal intentionnées et un certain scepticisme quant à la véracité de l’exploit n’y ont rien changé. Le solo intégral d’Ueli Steck à la face sud de l’Annapurna (8091 m), en octobre 2013, a valu à l’alpiniste bernois le Piolet d’or 2014. Dimanche soir à Chamonix, l’homme qui court dans les faces verticales a reçu la plus prestigieuse distinction de sa discipline, synonyme de reconnaissance par les pairs.
Les plus grands alpinistes qui connaissent Ueli Steck, sa modestie, sa philosophie de la montagne et le professionnalisme de sa préparation n’ont jamais douté de son exploit sur la muraille de l’Annapurna, une des ascensions les plus vertigineuses de l’Himalaya. L’itinéraire suivi avait été entamé en 1992 par les Français Pierre Béghin (mort dans une chute durant la descente) et Jean-Christophe Lafaille (miraculé après cinq jours d’errance avec un bras cassé). Steck est le premier à le déflorer jusqu’au faîte de la montagne. Des alpinistes allemands ont reproché au Suisse de n’avoir rapporté aucune image certifiant son exploit. L’alpiniste s’est défendu en affirmant qu’il avait perdu sa caméra et un gant dans une petite avalanche de neige poudreuse à mi-chemin. «J’étais le premier ennuyé par cet incident, mais devais-je revenir en arrière alors que je progressais vite dans des conditions de neige idéales?» expliquait-il au Temps en février dernier.
L’histoire de l’alpinisme est pavée de controverses similaires. Le jury du Piolet d’or ne s’est pas laissé entraîner dans une dispute où se mêlent incrédulité et jalousie. Plus que l’absence de preuve matérielle qu’Ueli Steck ait atteint le sommet, c’est sa prise de risque qui a fait débat au sein du jury. De son propre aveu, l’alpiniste a assumé une prise de risque «exagérée», qui l’a surexposé à la mort.
«Seul face à la montagne»
Le Piolet d’or, que ses organisateurs présentent comme les «Oscars» de la grimpe, célèbre chaque année «le goût de l’aventure, l’audace, le sens de l’exploration»; il exalte «la beauté d’un geste individuel ou collectif» et promeut «l’imagination dans la recherche d’itinéraires innovants, sans artifice». Nul doute que le solo à l’Annapurna remplit tous ces critères.
Ueli Steck admet qu’il pourrait dissiper les doutes en grimpant muni d’un GPS enregistrant tous ses déplacements. Il ne le fait pas «pour préserver sa liberté». «Je suis seul face à la montagne, c’est un rapport brut à la nature. Je veux m’en sortir sans aide de tiers ni d’artifice. Sinon ce n’est plus un solo intégral.» Il ajoute: «Je grimpe pour moi, pas pour les autres. Je n’aime pas me vanter, car grimper sur des montagnes n’apporte rien à l’humanité. J’ai toujours fait ce qui me semblait juste: je donne des détails sur mes ascensions à qui m’en demande. Ce qu’on en pense après m’importe peu.»