Pour ce spécialiste, l'engouement des adolescents pour leur smartphone est en partie lié à leur quête d'identité. Avec une tranquille assurance, il plaide, en cas de débordement dans l'utilisation des smartphones, pour des réactions mesurées.
- Que vous inspire l'attachement des adolescents pour leur smartphone, en dépit des règlements scolaires interdisant leur utilisation?
- Nous focalisons beaucoup notre attention sur les jeunes, oubliant que les adultes sont aussi concernés. Lorsqu'ils interdisent de répondre au téléphone à table, ils sont parfois les premiers à décrocher quand le leur sonne. C'est difficile de dire aux ados de ne pas faire ce que les adultes font. Le téléphone portable est par ailleurs un outil commode pour rester toujours en lien et calmer ainsi nos angoisses.
- N'y a-t-il pas une spécificité de cet attachement chez les adolescents?
- Pour eux, un téléphone portable c'est avoir le monde dans les mains. Un monde sans limites, ce qui correspond au vécu de la puberté. Pourtant les changements corporels de l’adolescence leur sont imposés. La maitrise de cet appareil leur donne l’impression de reprendre le contrôle sur leur développement.
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La construction de l’identité passe aussi par ces nouvelles technologies: customiser leur smartphone permet le travail de «l’extime». Cette possibilité de montrer quelque chose de soi à l’extérieur pour soi-même et aussi pour les autres.
- Quelle attitude adopter face aux dérives et aux risques auxquels ils s'exposent?
- Lorsque, par exemple, une adolescente dévoile son corps sur Facebook, les adultes notamment à l’école, se sentent démunis et s’inquiètent de manière souvent démesurée en convoquant des réseaux, en mettant en place des programmes de prévention. Leurs angoisses proviennent des représentations du monde adulte et non des particularités de l’adolescence. Cela peut entrainer une forme d’escalade d’incompréhension où chacun perd confiance en lui et en l’autre.
- Mais il faut bien réagir pour protéger les adolescents?
- L'excitation est un pousse-au-crime. Car les ados vont alors aller plus loin, faire reculer les limites. Ne pas exciter les choses n'équivaut pas à un désengagement. Les adultes doivent d'abord se faire confiance, ne pas s'affoler, rassurer les ados en leur confirmant ce qu'ils pressentent, à savoir qu'ils ont grandi… Et que leurs angoisses passeront! Parce que les jeunes ont beaucoup de doutes malgré leur pseudo-assurance. Il ne faut pas avoir peur d'eux! Nous n'avions pas de smartphones à leur âge mais cela ne nous empêchait pas de nous moquer des profs, par des caricatures ou en leur attribuant des surnoms! L'erreur, c'est de croire que les adolescents d'aujourd'hui sont différents de ceux d'hier.
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