Chère Lise
Les manuels modernes soulignent la simplification de la correspondance administrative ou privée. Et le fait est qu’il n’est plus vraiment nécessaire d’être «le très humble serviteur» de notre correspondant, et qu’on se contente de plus en plus de formules rapides, comme «bien à vous» qui a fait l’objet d’une récente chronique (LT du 22.03.12). La plupart s’en félicitent, et pourquoi pas? Le langage et les formes extérieures de politesse ne cessent d’évoluer, et il ne faut pas confondre être poli et être réactionnaire ou passéiste.
Néanmoins, la confusion est le plus souvent dans l’autre sens, et, sous prétexte de modernité, on jette le bébé avec l’eau du bain, et, en ce qui concerne le courrier, on passe de formules désuètes à pas de formule du tout, et, bientôt, à pas de lettre du tout, comme en témoigne votre histoire.
Je suis à peu près sûre que votre notaire aurait une excuse toute prête en forme d’«informatisation du système de facturation» ou autre jargon technologique du même ordre. J’ai déjà remarqué que la technique servait souvent d’alibi à la grossièreté, par exemple à propos des téléphones portables. Mais ce n’est pas une raison pour ne pas réagir.
La désinvolture de votre notaire vous a choquée, et il y a de quoi. Un notaire règle des affaires sensibles à tous les sens du terme, et parfois même douloureuses. C’est votre cas, puisqu’il s’agit de la succession de votre mère. Et celui-ci la traite comme n’importe quelle banale prestation de service. Après avoir joué un rôle dans un événement difficile de votre vie, il ne prend même pas la peine de signer à la main une lettre type crachée par son imprimante. On comprend pourquoi vous avez été si perturbée et pourquoi vous n’avez pas envie d’en rester là. On ne peut pas faire confiance à quelqu’un d’aussi désinvolte et dépourvu, non seulement de manières, mais de sens de l’humain. C’est là qu’on voit à quel point les deux choses vont ensemble…
Vous avez raison de vouloir réagir, car il serait dommage de vous contenter de ne plus faire appel à lui sans lui expliquer pourquoi. Je vous conseillerais de payer immédiatement la facture, puis d’envoyer personnellement au notaire la preuve de votre versement avec un mot où vous lui faites part de votre surprise devant la désinvolture de sa note d’honoraires et de votre décision de confier dorénavant vos affaires à une étude plus concernée par la dimension humaine de la relation avec ses clients. Quand sa grossièreté lui aura fait perdre plusieurs dossiers, il comprendra peut-être les vertus de la politesse, et il engagera une secrétaire bien élevée.
Et vous lui présentez vos «salutations», sans plus, c’est ce qu’on fait de plus glacial.
Chaque jeudi, Sylviane Roche répond à vos questions concernant le savoir-vivre. Ecrivez-lui: sylviane.roche@letemps.ch