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Un jeune poilu, gazé à l'ypérite, devenu riche homme d'affaires

Louis Jeantet a commencé sa carrière comme représentant de pneus avant de devenir un financier efficace.

En 1920, Louis Jeantet est sans un sou. Ayant quitté son lycée pour s'engager dans l'armée, il est blessé à deux reprises et gazé à l'ypérite durant la Première Guerre mondiale avant d'être envoyé aussitôt après la fin des hostilités en Tunisie pour y mater une rébellion. Il y gagne des galons et des honneurs – il revient en France lieutenant et chevalier de la légion d'honneur – mais se retrouve parfaitement démuni, sans argent et sans métier. Soixante-six ans plus tard, le premier prix de médecine portant son nom est décerné à Genève. Le montant rivalise avec celui qui est accordé par le Prix Nobel de médecine et de physiologie. Le chemin aura été long entre le jeune poilu de 18 ans en 1915 et l'homme d'affaires richissime mort à Genève en 1981. La carrière commerciale de Louis Jeantet commence avec le recyclage à des fins civiles du matériel automobile militaire américain laissé en Europe. Mais les portes de la prospérité vont s'entrouvrir au moment où il devient le représentant exclusif pour la France des pneus Firestone. Un début qui ne dépareille pas avec celui des fondateurs d'autres prix très cotés: Alfred Nobel a fait fortune grâce à la dynamite et Antoine Leenaards, également créateur d'une Fondation d'encouragement à la recherche scientifique, grâce aux capsules de bière. C'est en 1936 que Louis Jeantet s'installe à Genève. Entre-temps, il s'est marié avec Simone Violet, copropriétaire de la société productrice des apéritifs Byrrh. Il abandonne alors progressivement son activité commerciale pour s'intéresser à la finance. Il continue à bâtir sa fortune jusqu'après la guerre, lorsqu'il décide de ne plus s'occuper que de l'administration de ses biens qui s'élèvent à sa mort à 80 millions de francs. N'ayant pas d'héritier, il décide de créer une fondation pour éviter la dissémination de sa fortune. En fait, il a longtemps hésité avant de faire ce choix. Cet amateur d'art voulait léguer son argent au château de Versailles, mais a été refroidi par la mauvaise gestion du site et une situation politique française, particulièrement Mai 68, inquiétante à ses yeux. Ainsi, conformément à ses vœux, la fondation, qui voit le jour après sa mort, œuvre dans le domaine de la recherche médicale – plusieurs membres de sa famille ont été victimes du cancer et lui-même y a succombé. Chaque année un prix est décerné non pas pour récompenser une découverte, mais pour encourager la poursuite de projets prometteurs. Depuis 1986, 53 chercheurs (dont 12 Suisses) ont reçu ce prix destiné à des scientifiques travaillant en Europe, quelle que soit leur origine.