De son vivant, Padre Pio, Francesco Forgione de son vrai nom, n'a pas été en odeur de sainteté auprès de l'Eglise. Celle-ci s'est employée à le persécuter peu après l'apparition des stigmates jusqu'en 1963, cinq ans avant sa mort, moment où le pape Paul VI décide de le laisser en paix.
Francesco Forgione naît le 24 mai 1887 à Pietralcina, un bourg du sud de l'Italie. Il est le quatrième enfant d'une famille qui en comptera sept. Adolescent très pieux et tourmenté, de santé précaire, il décide de rejoindre les capucins, l'une des quatre branches de l'ordre franciscain fondé au XIIIe siècle par saint François d'Assise, le premier stigmatisé. Il a seize ans lorsqu'il revêt robe de bure marron. Son noviciat terminé, il est ordonné prêtre en 1910. Il prend alors le nom de Padre Pio.
En 1916, il est envoyé au couvent de San Giovanni Rotondo. Il y arrive malade et épuisé. Ses biographes disent qu'il subissait les assauts de Satan, qui apparaissait tantôt sous les traits d'un chat noir, tantôt sous ceux du pape Pie X, tantôt sous la forme d'une femme lascive. Il vit aussi des périodes d'extase mystique soudaines.
Le 20 septembre 1918, la vie de Padre Pio bascule. Il a raconté lui-même ce moment où il avait reçu les stigmates. Après la messe, Francesco Forgione prie agenouillé dans le chœur des moines, face à un immense crucifix. Il est alors «surpris par un repos semblable à un doux sommeil». Il voit apparaître devant lui «un personnage mystérieux dont les mains, les pieds et le côté ruisselaient de sang. Sa vue était terrifiante. La vision du personnage disparut et je m'aperçus que mes mains et mon côté étaient percés et ruisselaient de sang.» Padre Pio prend peur: il a beau faire, les plaies ne cicatrisent pas: il décide alors de les cacher comme il peut, en portant notamment des mitaines.
Peu à peu, il sort du silence dans lequel il avait choisi de s'enfermer, et parle à son confesseur. Rapidement, toute l'Italie est au courant. Les gens simples s'émerveillent, les personnes cultivées attendent un avis officiel de Rome. Après les soupçons de l'Eglise qui envoie des médecins vérifier les plaies viennent les persécutions. La notoriété de Padre Pio et les miracles qu'on lui attribue font enrager l'Eglise.
En 1923, le Vatican sévit en enjoignant au capucin de ne plus célébrer la messe en public. En 1931, l'Eglise retire le droit de confesser à ce père que des dizaines de fidèles viennent trouver chaque jour. Plus tard, l'Eglise le soupçonne de fomenter un schisme et de vouloir séduire les femmes pieuses. Pour le confondre, elle place un micro sous son lit. L'ordre vient des supérieurs religieux du Padre, mais est approuvé par des prélats romains. En 1960, la rumeur se répand que Padre Pio est tyrannisé par ses supérieurs. Ces derniers le contraignent à signer un communiqué de presse qui sert de démenti.
Les persécutions de Francesco Forgione cessent sous l'influence de Paul VI, cinq ans avant sa mort le 23 septembre 1968. Les stigmates s'étaient refermés, semble-t-il, quelques jours avant son décès.
P. Br.
A lire: Padre Pio. Le saint François du XXe siècle, Ed. Saint-Augustin, 1999, 177 p. Par Luigi Peroni, fils spirituel et auteur d'une biographie de Padre Pio. Il livre ici le témoignage de l'amitié qui l'a uni au capucin.