Un vinyle à la mer
Plus c’est bobo, plus c’est beau (7/8)
Moins gourmands en ressources fossiles, les vieux disques ont la cote. Mais ne peut-on pas faire mieux?

L’époque est plus bobo que baba, plus concernée que futile, parfois jusqu’à l’absurde: petite collection amusée des choses de la vie quotidienne qui disent qui nous sommes.
Episodes précédents:
Serge aime avoir le sentiment d’agir pour la planète en se laissant aller à ses goûts vintage. Un jour, il s’est mis en tête de remonter ses disques vinyles de la cave. Non, ce n’était pas de nouveau une tocade de bobo ou de boomer. Voilà qu’un objet du XXe siècle polluait tellement moins que ce que l’on vantait comme la modernité.
En époussetant un vieil album de Cat Stevens, Serge expliquait avec entrain à sa conjointe que le streaming, principalement musical, était responsable de plus de 4% de l’effet de serre dans le monde. En Suisse, internet utilisait 8% de l’électricité disponible: plus que le réseau ferroviaire dans son entier. Cela la laissait coite.
Regarder la vidéo: Le mythe du retour du vinyle
Il adorait le rituel du vinyle. Sortir le disque de sa pochette, le poser sur la platine, entendre le son du premier sillon qui grattait. Et la musique prenait son envol. Evidemment, chaque fois qu’il avait des invités, il faisait le malin, vantant le son, la dynamique. Lors d’une soirée, dodelinant sur les groupes pop qu’ils avaient aimés naguère, ses amis – qui n’aimaient la culture populaire que lorsqu’elle était morte – se lancèrent dans un questionnement écologique de cette industrie musicale.
Une date de péremption
Les albums étaient pressés à base de PVC, le polychlorure de vinyle, composé en partie de pétrole. Si on les écoutait vingt ou cinquante ans, le bilan écologique restait formidable, non? Et pas d’obsolescence programmée. Les vinyles n’étaient pas éternels, mais au moins on pouvait aussi les laisser à sa descendance (leurs fils, affalés sur leurs téléphones, pouffèrent). Qu’ils essaient, les jeunes, de léguer leurs playlists!
Après l’écoute d’une face particulièrement niaise des Bangles, ils se demandèrent même s’il n’existait pas une manière propre de fabriquer des vinyles. Serge vit sur internet qu’une entreprise de Rennes avait tenté de résoudre le problème avec une invention formidable: le «vinylgue». On pouvait fabriquer des 33 tours de façon bio-sourcée, écolo, à base d’algues. Que d’enthousiasme! Mais l’algue restait un produit dégradable, il n’était pas sûr que les disques produits ainsi résistent au temps. Devrait-on les vendre avec une date de péremption? Pour les Bangles, pourquoi pas, après tout, se dit Serge. Mais Dylan, les Beatles ou Mozart, tous ces «vieux trucs», se démoderaient-ils suffisamment pour retourner à la mer?