Mobilité
Au fil des années, le nombre de blessés dans les collisions sur la route n’a cessé de diminuer. Et si les pompiers ont moins de travail, ce n’est pas uniquement dû au programme Via sicura

Tout a commencé par une discussion, a priori anodine, avec un pompier. Au cours de la conversation, ce spécialiste des interventions d’urgence faisait remarquer que, depuis quelque temps, le nombre d’interventions de la brigade de désincarcération avait baissé de façon significative. Et de relever que cela était sans doute dû aux progrès réalisés par les constructeurs en matière de sécurité passive. De quoi éveiller notre curiosité: au fait, c’est conçu comment une voiture?
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Quand on parle d’automobile, il est vrai que c’est essentiellement pour évoquer les moteurs, la pollution ou le type de propulsion. A force, chacun est devenu expert en émissions nocives, a un avis tranché sur les avantages comparés de l’essence et du diesel, est incollable sur les hybrides plug-in ou les dernières générations de batteries lithium-ion. Mais une carrosserie? C’est fabriqué comment, une carrosserie?
Nickel chrome
Il y a, évidemment, quelques exceptions. Des voitures comme les Morgan, fabriquées à la main, avec un châssis en métal, un plancher et des portières en bois et une silhouette dont les tôles sont façonnées au marteau, comme aux temps héroïques. Mais, dans les aciéries des grands constructeurs, les choses sont bien différentes…
Là-bas, au cœur des hauts fourneaux, on a appris les secrets du dosage subtil de la composition des aciers. Mélange de fer et de carbone, en proportions variables, pour la base, l’acier peut contenir certains autres métaux comme le chrome et le nickel, pour le rendre résistant à la corrosion ou, comme c’est le cas dans l’industrie automobile, être recouvert d’une couche de zinc. Ce procédé de galvanisation permet de le rendre résistant à la rouille pour plus de dix ans.
En jouant sur la composition de l’alliage, on peut ainsi fabriquer des pièces possédant différentes vertus. Il y aura les plus légères, pour diminuer le poids et, donc, la consommation et les émissions de polluants. Les plus souples, pour absorber l’énergie d’un choc. Les plus dures, pour assurer la solidité et la rigidité aux torsions de la structure engendrées par les accélérations, les freinages et les passages en courbes, etc. Difficile d’imaginer de l’acier mou et de l’acier dur? Pas tant que ça, quand on sait qu’avec cet alliage on peut aussi bien fabriquer des canettes de boissons, fines, légères et souples, que des forets de perceuses, compacts et ultra-durs.
Chasse aux kilos
Ensuite, les ingénieurs assemblent des «morceaux» de différentes qualités pour fabriquer, à la façon d’un Lego, une structure offrant les spécificités qu’ils recherchent. Dans une voiture moderne, il peut ainsi y avoir jusqu’à 40 sortes d’aciers différents, selon les éléments. Parce que, même si l’aluminium plus léger entre dans la fabrication de certains modèles, l’acier, meilleur marché, reste le matériau de base offrant le meilleur compromis entre sécurité passive (résistance au crash test) et le poids (consommation et émissions de CO2).
Et au fur et à mesure des progrès réalisés par la sidérurgie, les constructeurs parviennent à réduire encore la masse de la structure de quelques grammes supplémentaires. L’enjeu est capital: une automobile étant composée à environ 55% d’acier (caisse, portes, capot, hayon, pot d’échappement, structure de sièges, organes mécaniques, suspensions…), chaque pour cent gagné permet d’améliorer la chasse aux kilos. En gardant à l’esprit l’aspect essentiel de l’équation: la sécurité. Car si les pompiers urgentistes ont moins de travail de nos jours, c’est la preuve que les ingénieurs, les chimistes et les fondeurs ont bien travaillé.
Le meilleur moyen de s’en rendre compte? Sans aucun conteste, c’est d’aller faire un tour sur le site de l’European New Car Assessment Program (EuroNCAP, www.euroncap.com) qui, depuis 1997, propose aux consommateurs un moyen infaillible de comparer la qualité et la solidité de leur future auto. Au travers de tests impitoyables, ces véritables «inquisiteurs» techniques font subir les pires épreuves aux caisses et aux divers éléments de carrosserie. Depuis sa création, l’organisme indépendant a ainsi pulvérisé plus de 630 voitures, publié autant d’avis documentés et dépensé plus de 180 millions de francs pour vous permettre de choisir un véhicule sûr en toute connaissance de cause.
Exigences en augmentation
Car c’est là tout l’intérêt de l’EuroNCAP: sa parfaite indépendance. L’organisme ne travaille pas qu’avec les constructeurs, qui lui envoient des exemplaires afin de les faire certifier, mais achète également de façon anonyme des autos dans des garages pour des tests «neutres». En plus de vingt ans, ce redoutable banc d’essai, lancé à la base par l’administration suédoise de la route (Vägvert), est ainsi devenu un véritable «catalyseur» de sécurité, poussant les constructeurs à investir massivement dans la recherche sur les systèmes de freinage, les détecteurs, les radars, la qualité du véhicule, les airbags, les prétensionneurs de ceintures et on en passe.
Et les exigences ne cessent d’augmenter. Aux premiers tests prévus par le cahier des charges – un «choc frontal» (contre une barrière déformable à 64 km/h), un «choc latéral» (barrière lancée à 50 km/h contre le flanc de la voiture) et un «choc contre un poteau» (un mât de 25,4 cm de diamètre percutant la portière du siège conducteur à 29 km/h) – sont venus s’ajouter le «choc piéton» (un mannequin percuté à 40 km/h) et désormais une procédure AEB pour détecter piétons et cyclistes, de jour comme de nuit à des vitesses pouvant aller jusqu’à 30 km/h.
D’ici à 2020, c’est en tout cas le souhait avoué de Volvo, il ne devrait plus y avoir de morts ni de blessés graves lors d’une collision. Les spécialistes de la désincarcération peuvent commencer à envisager leur recyclage…