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Du Valais au Japon, la raclette voyage en 52 recettes

Dans «Haute Raclette», Jennifer et Arnaud Favre, associés à Pierre Crepaud, chef étoilé, expliquent comment apprêter le mets national de manière originale. Mais, avant, ils disent tout de ce fleuron valaisan

Le «Raclette du Valais» est une appellation d’origine protégée (AOP) depuis 2007. — © Dorian Rollin
Le «Raclette du Valais» est une appellation d’origine protégée (AOP) depuis 2007. — © Dorian Rollin

Cocorico, ou plutôt meuh. La raclette, qui s’appelait alors «fromage rôti», est bien née en Suisse, au Moyen Age. Même le site français Entremont.com en convient, attribuant cette invention à «des bergers suisses du XIIe siècle». Mieux que ça. On est sûr que c’est en Valais que le fromage fut raclé initialement, comme en témoigne un document de 1574 dans lequel Gaspard Ambuel, dit Collinus, médecin et pharmacien à Sion, détaille soigneusement cette action.

© Felix Kinderlàn/graphisme
© Felix Kinderlàn/graphisme

Vous voulez tout savoir sur ce fleuron culinaire et, surtout, découvrir 52 recettes originales qui vous feront fondre de plaisir? Haute Raclette vous est destiné. Ecrit par Jennifer et Arnaud Favre après Haute Fondue, leur succès de 2018 déjà publié aux Editions Helvetiq, cet ouvrage stylé présente les aspects pratiques et symboliques de ce mets pour réjouir la tête et le palais. Vous salivez déjà? C’est normal: Pierre Crepaud, chef étoilé, est associé au projet.

La Roseval, patate star

Deux conseils de base pour commencer. En accompagnement, la pomme de terre idéale, c’est-à-dire «celle dont la chair ferme se découpe facilement tout en gardant une bonne tenue», est la Roseval, assure le cuisinier français, amoureux du Valais. «Avec sa jolie peau rosée, cette variété fondante et légèrement sucrée égayera votre raclette.»

Ensuite, si le chasselas – ou fendant en Valais – est sans surprise le meilleur vin blanc pour agrémenter ce plat, évitez de le servir trop frais de sorte à ménager l’estomac. Et pour ceux qui souhaiteraient un nectar plus fruité et plus velouté, le cépage sylvaner – ou johannisberg en Valais – fait parfaitement l’affaire. A proscrire? «Les vins élevés en fûts de chêne. Ils sont soit trop acides, soit trop moelleux.»

La bière, raclette-compatible

Et le vin rouge, toujours interdit de raclette? Pas du tout, répondent les auteurs. «Un vin rouge léger, fruité et gourmand comme un gamay pourra agréablement surprendre vos invités.» Par contre, il faut oublier les vins trop tanniques brusquant la saveur du fromage fondu.

Etonnant, là encore: la bière est raclette-compatible, car «comme le fromage, elle compte parmi les plus vieux aliments de l’histoire de l’humanité à être obtenus par fermentation». Blonde ou brune? «Plus le fromage sera corsé, plus la bière le sera également.»

Le meilleur fromage est… zurichois

On parle de la raclette comme si elle avait toujours réchauffé nos tablées. Pourtant, ce plat est resté très longtemps perché sur les hauteurs, entre pâturages et chalets d’alpage. La date de sa descente? En 1909. A l’occasion de l’Exposition cantonale, à Sion, la raclette a commencé à gagner les plaines valaisannes et c’est seulement lors de l’Exposition nationale de 1964, à Lausanne, qu’elle est devenue populaire à l’échelle du pays.

© Dorian Rollin
© Dorian Rollin

Elle s’est bien rattrapée depuis, puisque en 2003 le meilleur fromage à raclette n’était pas valaisan, mais… zurichois, raconte un article du Temps. Vainqueur des Swiss Cheese Awards pour la deuxième année consécutive, Paul Bieri, artisan de l’Oberland zurichois, s’est alors illustré avec ses meules carrées, puissantes et crémeuses. Piquée, la Fédération laitière valaisanne a bataillé pour décrocher l’exclusivité de l’appellation «Raclette» et, depuis 2007, le fromage «Raclette du Valais» est inscrit au registre des appellations d’origine protégée (AOP). Il bénéficie même d’une protection au sein de l’Union européenne obtenue en 2011.

Bien sûr, rien n’empêche les autres cantons de fabriquer du fromage à raclette hors label, et heureusement car la seule production valaisanne ne pèse pas lourd dans la balance helvétique. En 2015, sur les 13 630 tonnes produites en Suisse, l’AOP valaisanne ne représentait que 1725 tonnes. Quand on sait que chaque Suisse mange en moyenne 2,7 kilos de fromage par année, on comprend pourquoi notre pays doit même s’approvisionner chez nos voisins français…

Exempt de lactose

Retour aux sources. De quoi se compose ce fleuron du canton? Fromage gras à pâte mi-dure, le Raclette du Valais est fabriqué avec du lait cru de vache selon des méthodes ancestrales. Des méthodes qui, de la présure à la saumure, en passant par la coagulation et le caillé, sont décrites en détail sur le site Patrimoineculinaire.ch. Transformé dans des cuves en cuivre, le fromage repose ensuite sur une planchette en bois brut d’épicéa pendant les trois mois que dure son affinage.

Et sa fiche santé est plutôt top, notent Jennifer et Arnaud Favre. «Le Raclette du Valais est particulièrement riche en protéines, magnésium et calcium, ainsi qu’en vitamines A, B et K2. Il contient également beaucoup d’acides gras oméga 3 et, en plus, à maturité, est naturellement exempt de lactose.» Que demander de plus?

52 recettes pour saliver

Peut-être de varier les producteurs pour essayer «une multitude de saveurs». «La flore alpine dont se nourrissent les vaches offre en effet des parfums aux notes végétales et fruitées bien distinctes d’une vallée à l’autre.» Subtil. Et puis, en termes d’explorations, les auteurs invitent aussi à tenter des «fromages de chèvre, de brebis ou même des bleus»! Pour les quantités, comptez 200 à 250 grammes par personne, pareil pour les pommes de terre.

© Dorian Rollin
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Mais si l’ouvrage Haute Raclette fait la différence, c’est bien sûr pour ses 52 recettes originales dont certaines sont l’œuvre de Pierre Crepaud, chef français installé à Saillon. Et là, attention le palais… et les yeux! Les propositions vont des plus envisageables, comme la raclette au piment et chorizo ou la raclette aux croquettes de chou-fleur, aux plus audacieuses, voire improbables, comme les raclettes au méli-mélo d’asperges, aux arancini, au poulet curry, à la pizza d’aubergine ou au bœuf mariné au whisky!

Abricots et haricots mungo

La plus appétissante? La version aux abricots entourés de lard grillé et piqués de romarin. Baptisée Ô terroir made in Wallis, cette préparation séduit en associant le sucré du fruit aux goûts fumé de la charcuterie et musclé du fromage. Coup de cœur aussi pour Délices des sous-bois, une croûte aux champignons à l’ail, au thym et au vin, qui promet de se marier parfaitement avec le Raclette alpin.

© Dorian Rollin
© Dorian Rollin

La plus exotique? La raclette japonaise, sobre et esthétique évidemment. Autour du fromage, des pickles de gingembre, des pointes de wasabi, des pousses de haricots mungo et des algues nori dessinent un paysage raffiné. Ou comment la raclette, fierté locale, peut aussi faire voyager.