Tracasseries administratives
Officiel et scientifique soviétique, Nesterenko était des mieux placés pour comprendre l'ampleur de l'événement. Dans les jours suivant l'accident, il survola en hélicoptère la centrale radioactive et prôna le premier l'évacuation de la zone entourant la centrale. Il se révéla qu'il avait raison, mais sa vigilance dénuée de préoccupations politiques lui fit perdre ses postes officiels.
Il allait alors se consacrer à analyser les conséquences sanitaires des retombées radioactives de Tchernobyl, qui se sont produites pour une grande partie sur le tiers sud-est de la Biélorussie. Avec l'aide d'ONG occidentales, il fondait en 1990 l'institut indépendant Belrad. Les talents de physicien et d'organisateur de Vassili Nesterenko ont permis à Belrad de mener des campagnes approfondies sur les enfants des régions contaminées. Nesterenko a ainsi démontré la persistance de la contamination radioactive des habitants, entretenue par l'alimentation (champignons, lait, baies de la forêt). Ce travail, qui a abouti au recueil de près de 200000enregistrements, a fini par être reconnu du bout des lèvres par la communauté des radiotoxicologues.
Mais Nesterenko s'est toujours heurté aux réticences officielles, tant à l'étranger que dans son pays. «Le lobby atomique international ne veut pas reconnaître les dimensions de la catastrophe chez nous, parce que si on les reconnaissait, l'énergie atomique n'aurait plus le droit à l'existence», expliquait-il au documentariste Vladimir Tchertkoff. Le gouvernement biélorusse menait la vie dure à Belrad, sans arrêt sujet à des tracasseries administratives. Cette lutte incessante a fini par épuiser Nesterenko. Rien ne serait plus absurde que les données accumulées par ce scientifique valeureux soit perdues après sa disparition.