Deux vieillards à la tête trop lourde. Deux haleines qui sifflent, deux vies au bout du rouleau. Deux lentes agonies ponctuées par des bulletins de santé. Je parle du prince Rainier et de Jean Paul II qui ont l'air sur le point de mourir. La maladie, cette impie qui tricote les fils du hasard, semble avoir voulu rapprocher arbitrairement ces deux souverains. Monaco et le Vatican. L'enfer des Steph-Caro adultérines et les limbes asexués du haut clergé. Drôle de hasard qui rapproche si bien les choses.

Parce que, si on la relit au jour de l'actualité pontificale, la trajectoire de Rainier n'est pas si différente de celle du pape. Bien sûr, Rainier, c'est d'abord l'histoire d'une moustache épousant un chignon blond cendré. Ah, le beau mariage! Le 18 avril 1956, la comédienne Grace-Patricia Kelly réalise le rêve de milliers d'Américaines: devenir une princesse inégalitaire. Au début, on pense que la moustache est trop épicurienne pour le chignon hitchcockien. Et puis non, Rainier ne sera pas un mari tendre. Sauf avec ses trois enfants: Caro la sauveuse-de-meubles, Albert qui peine à emmener ses conquêtes au-delà du bal, et Steph', la serial-frasqueuse.

Voilà pour la façade people. Pendant que les paparazzi se déchaînent et que tombent les royalties, Rainier concentre et verrouille son pouvoir, étend son empire géographique, construit, achète, vend, renégocie ses traités avec la France, élargit son immense fortune. Un véritable empire, basé non seulement sur l'argent mais aussi sur la conviction intime, chez cet homme qui a rétabli le catholicisme comme religion d'Etat, qu'il est un prince de droit divin. Si Rainier, bien que malade, n'a toujours pas cédé son trône, c'est qu'il pense que Dieu seul peut reprendre le pouvoir qu'il lui a donné. Qu'est-ce que je vous disais? Entre Monaco et Rome, entre le casino et le prie-dieu, la distance est parfois mincelette.