«Les villes sont faites par et pour les hommes»
Forum des 100
AbonnéComment rendre les villes plus hospitalières pour les femmes? Le Forum des 100 a invité l’urbaniste Carmen Tanner et l’ingénieure civile Sarah Droz à en débattre mardi

A quel changement peut-on s’attendre en matière de planification urbaine, de mobilité et de sécurité pour mieux intégrer les femmes dans l’espace public?
En préparation du Forum des 100 qui aura lieu le 14 octobre, une conférence a été organisée par Le Temps avec l’urbaniste de formation Carmen Tanner, qui partage la syndicature d’Yverdon avec Pierre Dessemontet, et Sarah Droz, ingénieure civile et membre de Lares, association qui s’engage pour une intégration des besoins spécifiques des genres dans la planification et la construction du bâti. Elles ont fait part de leur expérience lors d’une discussion animée par Célia Heron, journaliste et responsable de la rubrique Société du Temps.
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Apparues lors de l’ère néolithique, les villes ont depuis toujours été construites par les hommes, pour les hommes. Comment l’expliquer? Pour Sarah Droz, la réponse est évidente: «Nos villes ont été construites pour répondre aux besoins de l’époque: les hommes travaillaient, notamment dans l’agriculture, et les femmes restaient à la maison pour s’occuper des enfants et des tâches ménagères. Aujourd’hui, la société a beaucoup évolué, mais les villes, elles, n’ont pas vraiment changé.» Pour illustrer ces propos, Carmen Tanner évoque plusieurs exemples, notamment la part du budget public qui serait principalement destinée à financer des loisirs dédiés aux hommes. Des stades, mais aussi des skateparks. «A nous aussi de réfléchir à comment les femmes peuvent investir ces lieux, où elles n’osent pas toujours se rendre, et briser un plafond de verre qui est réel.»
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Vienne, ville pionnière en matière d’égalité
S’il est bien difficile de citer des villes modèles en matière d’intégration, un nom fait pourtant consensus: Vienne. La capitale autrichienne travaille depuis plus de trente ans sur les questions d’égalité dans l’espace public. A l’initiative de ce long processus, on retrouve Eva Kail, une urbaniste qui a lancé en 1991 une exposition sur la place des femmes dans la ville. «Cette initiative a provoqué de nombreuses mesures liées à l’égalité des sexes tant dans le logement que les transports ou encore sur la conception des espaces publics», résume Sarah Droz.
Carmen Tanner, vice-syndique de la ville d’Yverdon-les-Bains, évoque de son côté l’intérêt de compter dans une ville certaines figures fortes pour faire «avancer les choses», rendant hommage à Liliane Valceschini, ouvrière et syndicaliste connue pour être l’instigatrice de l’idée de la première grève des femmes du 14 juin 1991.
Les deux expertes s’accordent: pour pouvoir se réinventer et être plus égalitaires, les villes doivent adopter une politique toujours plus transversale tout en faisant régulièrement appel à leur population. «Ce point est essentiel. Je pense notamment au dialogue entre les architectes et les citoyens. Ce sont eux les premiers usagers de la ville, ils doivent pouvoir s’exprimer et donner leur avis. Nous devons les écouter», précise Carmen Tanner.