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Vincent Baudriller: «Ma montre incarne la beauté de l’utilité»

Directeur du Théâtre de Vidy, Vincent Baudriller raconte le rapport qu’il entretient avec sa montre et avec son temps

Vincent Baudriller et sa montre Junghaus — © Julien Chavaillaz pour T Magazine
Vincent Baudriller et sa montre Junghaus — © Julien Chavaillaz pour T Magazine

Il a dirigé le Festival d’Avignon pendant dix ans. En 2014, Vincent Baudriller reprenait la direction du Théâtre de Vidy en apportant à Lausanne sa créativité intense et vivante. Chez lui, la scène se nourrit aussi de performance et de danse, d’architecture, de musique et d’art contemporain. Bref, dans la maison de Vincent Baudriller, on parle la langue de l’époque. Et donc aussi du temps. «Pour moi, il est la question clé du théâtre. Il en fait le mystère, celui qui vous emporte, ou pas, dans son expérience. Demandez à dix personnes combien de temps a duré le spectacle. Vous n’aurez jamais deux fois la même réponse.»

Le rituel du théâtre a peu changé en vingt-cinq siècles. Il reste cette discipline archaïque qui ne se vit que dans l’instant. «Alors oui bien sûr, on peut encore lire Sophocle ou Molière, mais le texte n’est pas tout le théâtre, il en est un des éléments. Si vous n’avez pas vu, ou plutôt vécu, les mises en scène de Charles Apothéloz, qui a été le premier directeur de Vidy, vous ne pouvez pas vraiment savoir ce qu’elles étaient. Et puis le temps au théâtre est aussi celui de la création. A partir de la décision de produire un spectacle s’enclenche un compte à rebours implacable qui va mener les équipes jusqu’au jour de la première.»

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Concentré d’invention

L’équipe justement. Le théâtre, comme l’horlogerie, est un art du savoir-faire et de l’artisanat, mais aussi de l’intelligence collective. Un concentré d’invention qui rend visible le temps. «En cela, la montre incarne de façon assez magnifique ce qu’est le théâtre», observe Vincent Baudriller, qui porte une Junghans, la plus fameuse, celle dessinée par Max Bill. A la fois en hommage pour l’architecte de Vidy et par goût esthétique.

«La première fois que je l’ai vue, c’était au poignet du metteur en scène Romeo Castellucci. Quand je suis arrivé ici, le théâtre fêtait son 50e anniversaire. Il était évident qu’il me fallait la même. Elle représente l’esprit du Bauhaus, où Max Bill a étudié. Un cadran, des aiguilles: ici, c’est la fonction qui guide la forme. Tout est concentré sur l’utilité et la beauté de l’utilité. De la même manière que ce bâtiment est constitué d’un assemblage de modules simples. Il est de plain-pied, ne cultive aucune grandiloquence. Contrairement à beaucoup des théâtres d’aujourd’hui, il a été construit à échelle humaine. Des bâtiments de l’Exposition nationale de 1964, il est aussi le dernier à avoir conservé sa valeur d’usage. De la même manière que cette montre n’a pas cessé d’être produite depuis 1961. Ce sont des objets vivants.»

© Julien Chavaillaz pour T Magazine
© Julien Chavaillaz pour T Magazine