Psychologie
Ce sont elles les victimes, les femmes souvent, mais on insinue qu’elles portent la faute. Pourquoi ce mécanisme vicieux, et comment s’infiltre-t-il dans nos vies?

L’exemple de l’élue UDC Andrea Geissbühler est criant. En traitant les femmes violées de «naïves» et en leur faisant porter une partie ce qu’elles ont subi, la politicienne bernoise a fait ce que l’on appelle du victim blaming. Et malheureusement, beaucoup de victimes sont culpabilisées sur ce sujet douloureux.
Un fonctionnement qui apparaît également dans le cadre de harcèlement scolaire («Il t’a tabassé. Mais tu l’avais provoqué?»), de maladie («Tu as attrapé un cancer, mais avec le nombre de clopes que tu fumes, ça devait bien arriver un jour!») ou d’autres obstacles de la vie.
«Je ne devais m’en prendre qu’à moi-même et à mon choix de vie»
Johanna *, qui désirait avoir un enfant, suivait des traitements de procréation assistée, sans succès. «Ma mère m’a dit un jour: «C’est normal, tu as choisi de faire carrière, tu ne pourras donc jamais devenir maman. On ne peut pas avoir les deux!» Alors que j’avais besoin de soutien, elle insinuait que je ne devais m’en prendre qu’à moi-même et à mon choix de vie si je ne tombais pas enceinte.» Des remarques qui culpabilisent une personne déjà victime d’une situation qu’elle n’a évidemment pas souhaitée.
Pour Pascale Roux, psychologue F.S.P et coach, le victim blaming viendrait des tribunaux. «Cela ressemble à ce que l’avocat d’un agresseur pourrait développer comme système de défense, pour déresponsabiliser son client. Il doit lui trouver des circonstances atténuantes. On entend alors des phrases comme «c’est normal qu’il ait agi de la sorte, car la victime n’avait pas un comportement adéquat». C’est une manière de minimiser un comportement inqualifiable!»
Le cas Donald Trump avec les femmes
Celui de Donald Trump à l’égard des femmes est un autre exemple. Le candidat à la présidence des Etats-Unis «est l’illustration parfaite de l’homme qui dirait que c’est de la faute des femmes s’il les a harcelées», avance la psychologue. «C’est faire porter à la victime cible le fait qu’on lui manque de respect.»
La psychologue tient encore à souligner qu’«il existe souvent une confusion entre la notion de responsabilité et de culpabilité. Exemple: un manager harcèle une employée. La victime porte plainte, et on lui répond «c’est de votre faute, vous vous êtes laissée faire». Or, la victime est responsable de la manière dont elle réagit, mais en aucun cas elle n’est coupable du comportement de l’agresseur!»
«Elle a forcément dû faire quelque chose de faux»
Et pour les cas de victim blaming liés à une maladie? «Ce qui sous-tend tout cela, c’est le fait de donner un sens à une situation qui paraît insensée. Pour une maladie grave comme le cancer, on pense que ce n’est pas normal, et on se dit que la personne atteinte a forcément dû faire quelque chose de faux.»
Dans la vie quotidienne, ce fonctionnement s’infiltre aussi dans des situations qui paraissent plus insignifiantes, mais qui s’apparentent également au fait de blâmer la victime. En témoigne l’expérience de ce père de famille: un soir, en récupérant sa fille à la garderie, il apprend qu’un enfant lui est tombé dessus et qu’elle s’est cogné la tête contre une plinthe, dans un angle de la salle. «Oui, mais votre enfant se met tout le temps dans les coins», a alors déclaré l’éducatrice, en avouant tout de même que l’équipe éducative était en sous-effectif…
Qui sème le vent récolte la tempête?
Selon un article paru dans le magazine américain Psychology Today, le victim blaming prendrait aussi sa source dans le fait de croire en un monde où les actions ont des conséquences prévisibles et où les gens sont capables de contrôler ce qui leur arrive. Il n’y a rien de plus dérangeant de constater qu’un innocent a subi des agressions. Par contre, si la personne a fait une erreur, il est plus facile d’accepter son malheur… Chacun connaît cette petite phrase: «On récolte ce que l’on sème.».
* Prénom d’emprunt.