La double béatification de Pie IX et Jean XXIII le 3 septembre prochain apparaît comme un condensé des paradoxes dont le pontificat de Jean Paul II est jalonné. Sans céder au manichéisme, on ne peut manquer de constater que ce pontificat présente deux faces nettement opposées. L'une, grise, pour ne pas dire noire, tissée d'actes et de paroles étroitement conservateurs. L'autre face, lumineuse, voit l'Eglise lutter contre les excès du libéralisme, s'engager dans le dialogue interreligieux et demander pardon pour ses fautes passées.

Certains de ces paradoxes semblent être le fruit de graves dissensions au sein de la hiérarchie de l'Eglise catholique. Celle-ci est aujourd'hui tiraillée entre les partisans de l'ouverture au monde et d'une pleine mise en œuvre du concile Vatican II, et ceux qui cherchent à empêcher l'application des principales innovations de celui-ci. Mais, à trop jouer sur les deux tableaux, l'Eglise catholique romaine sème la confusion dans les esprits, et le doute sur ses intentions réelles. Bref, elle manque de cohérence. En effet, comment peut-on à la fois demander pardon pour les fautes passées de l'Eglise et béatifier Pie IX, pape réactionnaire s'il en fut? Comment peut-on béatifier Jean XXIII, la charité incarnée, et continuer de traiter avec autant d'intolérance les divorcés remariés? Comment cette Eglise peut-elle s'engager pour la libération du général Pinochet, accusé de crimes contre l'humanité, et qualifier la Gay Pride d'offense aux valeurs chrétiennes?

Finalement, cet étalage public de contradictions amène de nombreux catholiques à se demander s'il y a encore un pilote au Saint-Siège. On peut légitimement en douter. Or, il y va de la crédibilité d'une institution qu'un fossé toujours plus grand sépare de sa base.

P. B.