– Avez-vous été déçu dans votre amitié avec Coutts?
– Non, pas vraiment. Je le répète, je ne comprends pas ce qui s’est passé au sein de cette équipe. Ce que je sais, c’est qu’il y a eu une attaque médiatique envers Alinghi. Nourrie par des gens qui, dans le milieu de la Coupe de l’America, tentent de faire en sorte que la compétition se joue ailleurs que sur l’eau. Je participe à cet événement depuis des années et je suis fatigué de ces gens-là.
– Certains craignent que, dans un cas comme dans l’autre, le conflit juridique ne se poursuive…
– Je ne pense pas qu’Ernesto et Larry Ellison aient l’appétit pour poursuivre le litige. Je serais vraiment surpris si c’était le cas.
– En cas de défaite, Oracle aurait théoriquement le droit de lancer une nouvelle procédure. Qui ne vous empêcherait pas d’organiser une Coupe en 2010, mais qui pourrait invalider son résultat postérieurement…
– Je ne peux pas parler pour Oracle mais je doute qu’ils poursuivent le conflit s’ils perdent le procès. Mais la position d’Alinghi est claire. Pour nous, il n’y a que deux scénarios possibles et ils consistent en une compétition sur l’eau. Nous disputerons la 33e Coupe de l’America en 2010. En multicoque ou en monocoque, sur des nouveaux bateaux dont la jauge a été conçue en collaboration avec les Challengers officiellement inscrits.
– Si le duel en multicoque devait avoir lieu, est-ce que cela marquerait le début d’une Coupe d’un nouveau genre?
– Cela pourrait marquer le début d’une ère en multicoque. Les gars ont tellement bossé sur ce concept. C’est celui qui gagnera qui décidera. Et l’on peut se demander ce que décideront ceux qui financent ces équipes. Voudront-ils continuer en multicoques ou voudront-ils concevoir un nouveau monocoque et repartir vers une Coupe plus traditionnelle?
– Est-ce que vous aimez le multicoque?
– C’est différent. La vitesse est grisante, mais tactiquement c’est difficile. Sur ces bateaux, virer de bord est handicapant et, à certaines allures, le bateau s’emballe. Nous avons beaucoup à apprendre et peu de temps pour le faire. C’est un vrai challenge. Cela d’autant plus que ce sont de gros bateaux avec beaucoup de tensions.
– Vous aurez peur?
– Je crois que tout le monde aura peur (rires).
– Si ce scénario est retenu, quand est-ce que votre bateau serait prêt?
– Dans deux mois environ.
– Avec le recul, arrivez-vous à expliquer comment ce conflit a démarré?
– On a voulu faire les choses trop vite. Dans le passé, quand on gagnait, on prenait un peu de temps pour évaluer la situation. Cette fois, il y avait la volonté d’aller de l’avant rapidement et de programmer une édition deux ans plus tard. Mais nous avons commis des erreurs dans la manière de délivrer le message et dans la manière dont nous avons établi le nouveau protocole, à la hâte. Mais nous avons changé tout cela. Nous avons modifié les points qui posaient problème. Ce conflit n’a donc plus de raison d’être.
– Alors pourquoi est-ce qu’Oracle n’a pas renoncé? Est-ce parce qu’ils sont allés trop loin et ne pouvaient plus revenir en arrière?
– Lorsqu’on connaît les gens concernés, on sait que ce ne sont pas des personnes qui ont l’habitude de faire marche arrière.
– Vous pensez notamment à Tom Ehman…
– Des gens comme lui sont des manipulateurs qui essaient de gagner la régate à terre. Et, en tant que sportif, c’est dur à supporter. On verra bien qui aura le dernier mot. Mais, il y aura de toute façon une régate. Tout ce que je peux dire, c’est que je ne sais pas ce qui se passe au sein de leur équipe. De la même manière, ils ne savent pas ce qui se passe au sein de la nôtre. Je pense que ce conflit est aussi un choc des cultures. Avec d’un côté, des Américains, agressifs qui se prennent pour les maîtres du monde. Et de l’autre, une équipe européenne avec un groupe soudé et prêt à aller de l’avant.
– Que faites-vous en attendant?
– L’an dernier, nous avons beaucoup navigué. Sur différents circuits. En monocoque et en multicoque. Cette année, c’est plus difficile car nous sommes dans l’attente d’une décision imminente qui déterminera enfin où nous allons. Et la crise économique n’arrange rien. Les budgets rétrécissent. Et même quelqu’un d’aisé comme Ernesto [Bertarelli] fait des coupes. L’équipe est plus petite. Et c’est triste.
– Ce conflit ne vous dégoûte-t-il pas de cet événement…
– Ça a toujours été comme ça dans l’histoire de la Coupe de l’America. Je n’étais pas impliqué dans le conflit de 1988 et je déplore que cela puisse recommencer. Mais je suppose que c’est inévitable. Ce n’est pas évident de jouer à un jeu dont les règles ont été établies en 1851. Il faudrait peut-être changer le règlement originel. Mais pour cela, il faut négocier avec les Américains. Pas facile pour une équipe européenne.