Né à Verbier, parti à la conquête du monde. Ce fut le destin de l’Xtreme, mythique épreuve de ski créée il y a un quart de siècle sur la face nord du Bec des Rosses avant d’être à l’origine d’un circuit international baptisé Freeride World Tour. Ce sera aussi celui de l’E-Bike Festival, qui vit sa deuxième édition jusqu’à dimanche. Des responsables des stations de Flachau (Autriche) ainsi que de Tignes et Val d’Isère (France) ont annoncé ce vendredi leur intention de décliner la manifestation dès l’été prochain.

On comprend que la genèse de ce futur «E-Bike World Tour» ne relève pas du hasard lorsque l’on sait qu’à la manœuvre de ce récent événement à la gloire des VTT électriques opère Nicolas Hale-Woods, fondateur de l’Xtreme et directeur général du Freeride World Tour. Pour sa petite équipe, le boom de l’e-bike en général – et de l’e-mountain bike en particulier – est une aubaine comparable à celle qu’il représente pour les stations de ski, les magasins de sport et le secteur du tourisme montagnard dans son ensemble: il ouvre des perspectives de développement considérables sur la période estivale, si cruciale à l’heure du réchauffement climatique.

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«Le but est de devenir une référence pour l’industrie en plein développement du vélo électrique, et pour ses meilleurs athlètes», lance Nicolas Hale-Woods. A Flachau et à Tignes-Val d’Isère comme à Verbier, il y en aura pour tous les goûts et pour tous les publics, des plus débutants aux plus aguerris. Mais c’est bien une compétition qui se veut de très haut niveau qui fera le lien entre les trois étapes de ce «tour mondial» pour l’instant très européen, qui devrait compter deux destinations supplémentaires dès 2022, possiblement sur d’autres continents – exactement comme cela s’est passé pour le Freeride World Tour.

Partout, la glisse

Mais les liens entre VTT et freeride ne sont pas apparus que par la grâce d’une opportunité commerciale évidente. Ils témoignent de vraies similitudes sur les plans culturels et même techniques. «Le freerider, comme celui qui va s’enfoncer dans la montagne sur son vélo, est attiré par les mêmes notions de liberté, de grands espaces, de contact avec la nature et de jeu avec un terrain à apprivoiser, lance José Carron, de retour d’un tour organisé pour faire découvrir la pratique dans le cadre du festival de Verbier. Je trouve même une filiation avec le surf sur l’eau. Dans toutes ces activités, on retrouve cette idée fondamentale de glisse.»

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Ce guide de haute montagne quadragénaire a pratiqué l’escalade à haut niveau, et participé à l’Xtreme ainsi qu’au Freeride World Tour. Le VTT, il en a fait lorsqu’il était ado. Mais le matériel n’avait pas encore atteint son degré de sophistication actuelle. Ça tapait. Le plaisir n’y était pas complètement. Il y est donc revenu beaucoup plus tard. «On parle beaucoup de l’essor de l’e-bike parce qu’il a vraiment ouvert les sentiers de montagne à des gens qui n’auraient pas pu s’y aventurer sans assistance, note-t-il. Mais la vraie révolution, celle qui est à l’origine du mouvement, c’est celle des suspensions. Elles ont permis de vraiment trouver des sensations comparables à celles que l’on a à skis, même si, bien sûr, on continue d’avoir conscience du sol en VTT alors que dans la poudreuse, on a vraiment l’impression de voler.»

A 26 ans, Théo Cheli a toujours beaucoup roulé parallèlement à sa carrière dans les sports d’hiver, menée entre le skicross et l’antichambre du Freeride World Tour (le Qualifier), ces dernières années. «Les analogies entre le vélo de descente l’été et le ski hors piste l’hiver sont nombreuses, valide-t-il. On retrouve la rapidité de la prise de décision, l’analyse du terrain, le choix des lignes, le pilotage…» Alors une pratique nourrit l’autre. «Pendant des années, ma priorité était la saison d’hiver. Mais l’été, je poussais à fond sur le vélo, et cela me permettait de revenir plus fort sur la neige.»

Renversement de perspectives

Aujourd’hui, ses plans ont changé. L’e-bike est actuellement si porteur qu’il projette une vraie carrière de guide et de coach dans ce domaine. Il a ouvert l’agence Rad Biking voilà deux ans avec Yann Rausis… qui évolue parmi les meilleurs mondiaux sur le Freeride World Tour. «Désormais, il m’est clairement possible d’envisager une activité annuelle sur le vélo, note Théo Cheli. Je vais continuer à beaucoup skier mais mon but est maintenant d’arriver en forme au début de l’été…» Son compère salue, lui, la «vraie complémentarité des deux activités».

Ils ne sont pas les seuls guides d’e-bike issus du milieu freeride. José Carron a d’ailleurs aussi sa structure, Pure Biking. «J’ai l’impression que la transition est plus facile dans ce sens que dans l’autre. Sans commencer le ski très tôt, il est difficile d’atteindre un gros niveau. En vélo, tout le monde acquiert des bases dès la petite enfance et en plaquant dessus une expérience dans le ski extrême, on peut progresser très vite.»

«Peut-être qu’en tant que skieur, le feeling sur la lecture du terrain vient plus vite», reconnaît le freerider Jérémie Heitz, notamment célèbre pour son film La Liste, où il descend des faces terriblement raides à toute vitesse. Il a participé ces trois derniers jours à l’épreuve reine du Verbier E-Bike Festival: 300 kilomètres et 16 000 mètres de dénivelé positif autour du massif du Mont-Blanc. Il en ressort un peu rincé, après un certain nombre de soucis techniques. Lui, c’est toujours sur ses skis qu’il envisage l’avenir.