«Quel plaisir les gens ont-ils lorsque le Creux-du-Van est noir de monde?»
Neuchâtel
AbonnéLe site naturel neuchâtelois connaît une période de fréquentation hors du commun qui donne du travail aux autorités politiques locales, explique le conseiller communal de Val-de-Travers Benoît Simon-Vermot

Majestueux cirque rocheux tapi dans le Jura neuchâtelois, le Creux-du-Van est devenu ces dernières semaines le symbole de l’engouement des Suisses pour la randonnée, avec les images d’embouteillages aux abords des parkings et de queue leu leu sur les sentiers, diffusées notamment par la RTS.
Le petit village de Noiraigue, point de départ d’une spectaculaire boucle pédestre de 14 kilomètres, s’est régulièrement retrouvé engorgé par des centaines de véhicules, jusqu’à amener le sujet de la fréquentation du site à l’ordre du jour de chaque séance des autorités locales. Le conseiller communal de Val-de-Travers Benoît Simon-Vermot détaille les enjeux de la situation.
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Le Temps: L’afflux de randonneurs au Creux-du-Van est-il particulièrement élevé cette année?
Benoît Simon-Vermot: Oui, la situation est vraiment exceptionnelle. Elle s’explique par la combinaison du déconfinement, du beau temps et de l’impossibilité de partir en week-end prolongé à Barcelone ou ailleurs. Ces dernières années, nous ne mettions rien de spécial en place pour l’Ascension et Pentecôte. Là, nous avons senti qu’il y aurait du monde, alors nous avons placé un agent de sécurité dans le village de Noiraigue pour réguler les 200 ou 300 voitures de visiteurs que nous escomptions. Le jeudi de l’Ascension, il y en a eu entre 600 et 1000. Idem le lendemain. Et chaque jour du week-end de Pentecôte, il y en a eu plus de 500. Nous nous attendions à ce que nos deux nouveaux parkings, qui totalisent 200 places, soient un peu justes. Mais pas à ce point!
Faut-il y voir une nouvelle normalité, puisque de nombreux Suisses passeront leur été au pays?
C’est la grande question. Il faudra attendre un week-end normal, de deux jours et de beau temps, pour se faire une idée. Mais si ce sont 500 ou 600 voitures qui reviennent, il faudra imaginer des mesures, qu’elles soient pérennes ou provisoires. Bien sûr que des parkings supplémentaires peuvent être aménagés, mais à un moment donné cela dénature le paysage. Alors existe-t-il une base légale pour limiter l’accès au site? Ou faudra-t-il forcer le plus de visiteurs possible à venir en train? Ce sont des pistes qu’il s’agira peut-être d’explorer. Car Noiraigue est un petit village de quelque 850 habitants, et assumer un tel trafic est lourd…
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Les autres sentiers de randonnée de la région sont-ils aussi très fréquentés?
C’est le cas de quelques parcours emblématiques, comme ceux des gorges de l’Areuse ou de la Poëta-Raisse, où il y a également beaucoup de monde. Mais sur la plupart des itinéraires, pourtant très intéressants aussi, on croise un cavalier et deux promeneurs… Quelque part, les réseaux sociaux contribuent à déterminer un «parcours obligé» de la randonnée en Suisse, comme dans les grandes villes où il y a foule pour photographier tel ou tel monument, et personne deux rues plus loin alors que c’est très joli aussi. Le Creux-du-Van est magnifique, mais quel plaisir les gens y ont-ils lorsque c’est noir de monde?
Mais la région ne profite-t-elle pas de la renommée du site?
Si, et Neuchâtel Tourisme a d’ailleurs beaucoup fait pour sa promotion. Il est très beau et facile d’accès mais, à un moment donné, il y a de quoi être un peu dépassé. D’un côté, il y a des nuisances pour les habitants, et de l’autre beaucoup de visiteurs ne dépensent pas un centime chez nous: ils viennent à la journée, avec un pique-nique. C’est aussi pour s’y retrouver que nous avons, sans pratiquer des tarifs prohibitifs, décidé d’instaurer le parking payant. Et pour cet été, notre défi est de faire en sorte que les gens viennent chez nous pour le Creux-du-Van, mais qu’ils restent au moins une nuit, histoire de découvrir les autres richesses de la région.