L'obsession technique martelée dès l'entrée dans les écoles de ski. Voilà ce qui déplaît aux anciens. «Dès l'âge de 15 ans, il n'était plus question de technique pour moi, rappelle Joël Gaspoz. Pourtant, à 15 ans et demi, j'ai participé à ma première Coupe du monde et à 17 ans et demi, j'étais aux JO de Lake Placid.»
Plus largement, c'est le rôle de l'entraîneur qui est à revoir. «Je n'ai jamais eu de meilleur entraîneur que Joël Gaspoz, lance Pirmin Zurbriggen. Pour moi, il représentait la technique absolue. On apprenait énormément l'un de l'autre.» Ce climat d'apprentissage mutuel aurait disparu au profit d'une doctrine unique. «On part d'une théorie fausse qui veut que le skieur doive se soumettre à des schémas. Or un entraîneur, selon moi, n'est pas seulement un prescripteur. Il doit avant tout soutenir l'athlète, lui donner une chance de s'accomplir. Cela n'est apparemment pas la vision d'un Karl Frehsner.»
La pensée du responsable des équipes masculines et de ceux qui l'ont mis en place la saison dernière fait des dégâts. Erika Hess le sait. Depuis quelque temps, elle et son mari Jacques Reymond, responsable des skieurs à l'époque dorée, se sont placés à la porte des sélections nationales. Ils recueillent les jeunes qui n'obéissent plus aux critères. «La sélection est trop rigide, dit-elle. A partir de 15 ans, on ne prend pas assez de monde et beaucoup d'adolescents sont laissés sur le carreau. Certains sont talentueux. Ils devraient être mieux entourés dans les clubs.» Ils peuvent désormais s'appuyer sur l'ex-championne. «On skie dans les bosses, pour leur apprendre à être souples. Lorsque je vois nos sélections nationales, je les trouve techniquement au point, mais tellement tristes! Cela manque de cette folie qui anime les skieurs italiens en ce moment, par exemple.»
L'heure de vérité, pour les sportifs et les dirigeants du ski suisse, sonnera vendredi avec la première des deux descentes de Chamonix. En géant, l'excuse concernant la porosité des tenues de marque Descente ne tient pas. C'est lors de cette épreuve de vitesse que l'on saura si la décision de revêtir les combinaisons de la saison passée fait sens. En cas de bon résultat, les skieurs pourront dire qu'ils ont eu raison de déclencher cette polémique. En cas de nouvelle déroute, la tragi-comédie se prolongera. Et les dirigeants passeront alors une très mauvaise fin d'hiver. Le prochain cauchemar serait programmé le 17 janvier, date de la descente de Wengen, sur la mythique piste du Lauberhorn.