La crise mondiale du Covid-19 va-t-elle changer la pratique politique, l’économie, la société, la culture? Nous consacrons une série de près de 30 articles à ce sujet, durant plusieurs jours sur notre site, et dans un numéro spécial le samedi 13 juin.

Retrouvez, au fur et à mesure, les articles dans ce dossier.

La pandémie a frappé le monde du sport au moment où les militants de l’urgence climatique tentaient de le ramener à la raison. Ce que la mauvaise conscience écologique aurait peut-être mis des années à faire, la crainte du Covid-19 l’a obtenu en trois mois. Le spectacle sportif qui, lentement, redémarre est pour l’heure bridé par les normes sanitaires mais, à plus long terme, il n’est pas impossible que la devise de l’olympique, «plus vite, plus haut, plus fort», évolue en quelque chose du genre: «moins loin, moins cher, moins souvent».

Le sport professionnel est particulièrement à l’écoute des scientifiques sur la question des nouveaux virus et de possibles crises sanitaires à venir. Il l’est d’autant plus qu’il constitue l’une des activités les plus mondialisées. Ce n’est pas un hasard si les grands champions de tous les pays ont été les premières stars internationales à se mobiliser derrière le martyre de George Floyd. Aujourd’hui, on peut trouver un club de football du championnat anglais battant pavillon émirati, faisant jouer des Sud-Américains entraînés par un Portugais, comptant un grand nombre de supporters en Asie et partant chaque été en tournée aux Etats-Unis.

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Federer à Genève plutôt qu’à Tokyo

La difficulté nouvelle à voyager (liaisons aériennes réduites, frontières fermées, billets plus chers) est une réalité très concrète qui poussera à privilégier le local sur le global. Même à huis clos, les compétitions sont des casse-têtes, puisqu’elles se proposent de rassembler des joueurs venus du monde entier. Si l'Adria Tour (en référence à l'Adriatique) imaginé cet été par Novak Djokovic ou la possibilité d’un US Open «sous cloche» (avec un environnement restreint cantonné dans des hôtels placés en quarantaine) ne sont présentés que comme des solutions temporaires, la possibilité de voir à l’avenir Roger Federer s’inscrire à Genève et Bâle plutôt qu’à Tokyo ou Shanghai est réelle.

Cela ne condamnera pas à terme le mode du tournoi. Les plus gros survivront, au détriment des plus petits, et le format pourrait s’imposer dans des domaines nouveaux si l’industrie du sport, contrainte de limiter la capacité de ses stades et misant toujours davantage sur les droits télé, cherchait à créer autrement que par les chants des supporters une tension, un désir autour des rencontres. Très critiquée depuis son intronisation l’an dernier, la nouvelle Coupe Davis de tennis – les équipes réunies dans un même lieu durant une semaine – apparaît en fin de compte comme une formule d’avenir.

Autorégulation du marché?

Cet été, la NBA organisera une fin de saison raccourcie dans un lieu unique, l'ESPN Wide World of Sports Complex, une salle de 5000 places située dans le complexe de… Disney World à Orlando (Floride). En football, de nombreux pays (dont la Suisse pour la Coupe) et même l’UEFA pour sa prestigieuse Ligue des champions, envisagent un final sous la forme de play-off. Une réponse exceptionnelle à des situations exceptionnelles, bien sûr, mais aussi un test grandeur nature qui enrichira la réflexion sur de nouveaux formats plus simples à organiser et qui demandent moins aux organismes. Le président de la FIFA, Gianni Infantino, veut ainsi réformer le calendrier international autour de ces questions: «Comment gérer l’augmentation du nombre de matchs disputés par les meilleurs joueurs? Combien de matchs un joueur peut-il disputer par saison?»

Une réponse pourrait venir du marché, qui promet de tailler sévèrement dans la jungle des compétitions existantes. «Selon le propre calcul des fédérations sportives olympiques, il en existerait près de 2000 au niveau international, souligne Jean-Loup Chappelet, professeur honoraire à l’Idheap. Celles qui n’étaient que des prétextes à monétiser le spectacle sportif, sans véritable enjeu sportif, disparaîtront probablement car elles ne trouveront plus de sponsors.»