Le Qatar accueille les Championnats du monde d'athlétisme, en attendant la Coupe du monde de football en 2022. A travers ces événements sportifs, le petit Etat du Golfe entend imposer sa capitale non plus seulement comme un lieu de transit vers l'Asie, mais comme un but de voyage en soi. Découverte en quelques vignettes.

Faux départ pour Julien Wanders. Engagé vendredi soir dans les séries du 5000 mètres des Championnats du monde d’athlétisme de Doha, le prodige genevois de la course à pied a tenté un coup de poker en se portant en tête du peloton très tôt. Mais il n’avait pas les cartes pour tenir la distance, et n’a pu terminer que 12e. Pas de finale pour lui donc, mais un peu de répit avant l’épreuve sur laquelle il est véritablement attendu, le 10 000 mètres, prévue en fin de semaine prochaine.

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Alors qu’il vient de reprendre son souffle, je lui demande comment il va occuper les jours à venir, compte tenu des terribles chaleurs de l’automne qatari. «Oh, je vais me reposer, courir sur le tapis et me contenter, dehors, des entraînements qui me font plaisir», répond-il. En aparté, un membre du staff de l’équipe de Suisse soupire: Julien risque bien de s’ennuyer ferme à multiplier les allers-retours entre sa chambre et le fitness, sans grande échappatoire. Suggestion: il peut toujours imiter les locaux, et aller déambuler dans les immenses centres commerciaux du coin, pensés comme autant d’oasis de fraîcheur consumériste dans le cagnard du désert.

Un café, une glace, un contraste

Le Villaggio Mall n’est situé qu’à quelques centaines de mètres du Khalif International Stadium, où s’époumonent les meilleurs athlètes du monde entier. 183 000 mètres carrés de restaurants internationaux, de fast-foods, de magasins de sport et de boutiques de luxe où viennent flâner quotidiennement 50 000 personnes. Cela représente 18 millions de visiteurs par an tout de même. «C’est un record sans concurrence dans toute la région et cela témoigne de la qualité de l’expérience», se vante le site officiel du complexe.

Certains viennent y savourer un café, d’autres une glace, tous un contraste. Le Qatar est le royaume de la voiture. L’essence est ridiculement bon marché et les velléités de se déplacer à pied ou à vélo ne résistent pas aux promesses de confort d’un habitacle climatisé. Le long des grands boulevards de Doha engorgés de trafic ne déambulent donc que quelques pauvres bougres obligés. Pour se balader, il faut attendre l’hiver. Ou parquer son véhicule sur l’une des 3300 places disposées, à l’ombre de parasols, autour du Villaggio. Les portes automatiques franchies, il est possible de se dégourdir un peu les jambes sans dégouliner.

Gondoliers asiatiques

Dedans, tout est fait pour donner l’impression d’être dehors. Il y a ces fresques de ciel bleu parsemé de nuages au plafond. Ces «terrasses» qui débordent des bistrots. Ces bancs, ces arbres, ces kiosques au milieu des allées. Un village, un vrai, simplement tenu à l’écart du rigoureux climat local. A l’extérieur? Rien à faire sinon transpirer. Ici? Tout est possible, de la plus sobre balade dans ces «rues» de «style vénitien» (dixit le site web, toujours), où l’on ne s’est pas retenu de flanquer des canaux que vous font parcourir pour quelques riyals des gondoliers asiatiques souriants, aux expériences les plus inattendues.

Un peu à l’écart des boutiques Louis Vuitton, Christian Dior, Gucci, Valentino ou Dolce & Gabbana a été installé un parc d’attractions, avec de jolis manèges et des grands huit aux rails tourbillonnants. Encore plus étonnant: au beau milieu de la zone dédiée à la restauration s’étend une gigantesque patinoire.

Je regarde glisser petits et grands en doudounes et bonnets en pensant que derrière les murs bien décorés brûle le désert. Il faut un peu d’imagination pour s’en rappeler. C’est précisément l’idée.