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Au Barça, la vraie star, c’est la formation

Plus de la moitié des joueurs qui affronteront Lyon, ce soir en match retour des 8es de finale de la Ligue des champions, sont des purs produits catalans

Si depuis janvier le centre de gravité du FC Barcelone s’est déplacé en banlieue, à Sant Joan Despi, dans un immense complexe sportif ultramoderne, le joyau du club blaugrana est resté en ville, à l’ombre du Camp Nou. C’est là, dans une austère bâtisse du XVIIIe siècle, à peine égayée par quelques palmiers, que se régénère en permanence l’esprit «Barça». L’Argentin Lionel Messi, arrivé en Catalogne à l’âge de 13 ans, y a vécu toute son adolescence. Comme ses coéquipiers Victor Valdès, Xavi Hernandez, Andrès Iniesta, Gerard Piqué, Sergi Busquets, Bojan Krkic et autres.

Malgré l’absence du capitaine emblématique Carles Puyol, blessé, une bonne moitié des joueurs qui fouleront, ce soir, la pelouse du Camp Nou pour le huitième de finale retour de la Ligue des champions contre l’Olympique lyonnais, est passée par la ­Masia, cette ferme achetée dans les années 1950 avec les terrains alentour. D’abord siège du club, le bâtiment est, depuis 1979, la résidence des jeunes pousses du FC Barcelone, qui y vivent un internat studieux et sportif.

Le centre de formation est la véritable star du club. De promotion en promotion, on y transmet ce football de passes qui est une marque de fabrique, notamment depuis la «dream team» de Johann Cruyff dans les années 1990. Le Néerlandais a été le premier à réaliser le cocktail gagnant entre jeunes issus de la Masia et internationaux confirmés.

L’équipe victorieuse de la première Ligue des champions, en 1992, avait comme chef d’orchestre un jeune milieu de terrain formé au club, Josep Guardiola, l’actuel entraîneur blaugrana. Son adjoint, Tito Vilanova, est aussi un ancien pensionnaire de la Masia. Les deux hommes s’y sont connus. Ils se sont retrouvés l’an dernier pour diriger l’équipe B après deux parcours bien différents, mais toujours avec la même conception du jeu. Celle qu’on leur inculquait à l’époque de leurs 15 ans. Celle qu’on rabâche encore inlassablement à la nouvelle génération. «Ici, toutes les équipes, quelle que soit la catégorie d’âge, travaillent avec la même idée: comment se positionner sur le terrain pour toujours garder le ballon, explique Tito Vilanova. L’objectif est de toujours essayer de partir de derrière avec le ballon, et avec l’idée de sa conservation.»

Cette philosophie, que l’équipe applique cette saison avec une réussite exceptionnelle, constitue l’ADN du Barça. Ce sont les stars recrutées à prix d’or qui doivent faire des efforts d’adaptation, pas les joueurs formés sur place: «Depuis tout jeunes, ils ont une façon de jouer et de comprendre le football qui rend leur insertion dans l’équipe première plus facile», résume l’entraîneur adjoint.

Bojan Krkic, 18 ans, est l’exemple le plus récent d’une intégration réussie. Ce Catalan est devenu le plus jeune joueur du Barça en Ligue des champions lors de son entrée en jeu contre Lyon, le 19 septembre 2007. «Ceux qui arrivent de l’équipe B sont accueillis avec beaucoup d’affection et de gentillesse, car ils sont de la maison, de la famille», se souvient-il.

Le jeune homme timide ne précise pas que son talent a joué plus que toute autre considération. Plus jeune marqueur de la Liga à 17 ans et 53 jours, puis plus jeune sélectionné en équipe nationale (contre la France) à 17 ans et demi, Bojan bat des records de précocité. Cela n’étonne personne à la Masia, puisqu’en sept ans d’apprentissage, le gamin a marqué 898 buts, soit une avalanche de 128 buts par saison.

Qu’a-t-il appris à l’école blaugrana? «A défendre les couleurs», lance-t-il fièrement sans s’attarder sur le chapitre technico-tactique. Repéré en benjamins dans son village, près de Lérida, le jeune prodige traduit la qualité du recrutement effectué par les observateurs barcelonais, un bataillon sans cesse en éveil au bord des terrains amateurs en Catalogne, en Espagne et à l’étranger. «Il arrive que des équipes professionnelles jouent avec quatre ou cinq éléments formés au club, mais huit à la fois sur le terrain comme nous parfois cette saison, c’est rare, sourit Tito Vilanova. Il est encore plus rare qu’ils soient tous de niveau mondial.»

Bien que formatés pour un certain type de jeu, «ils ont une bonne capacité d’adaptation dans d’autres équipes, à l’image de Cesc Fabregas [parti pour Arsenal, à Londres], car ce sont tous des joueurs techniques qui ont une bonne intelligence du jeu», souligne l’entraîneur.

Selon une étude sur la valeur des jeunes joueurs européens réalisée par l’université de Navarre, la «cantera» (l’ensemble des joueurs issus du centre de formation) du Barça vaudrait 187 millions d’euros sur le marché, contre 81 millions pour celle du Real Madrid. L’idée d’un transfert n’effleure même pas l’esprit de Bojan Krkic: «J’ai toujours été ici et j’espère y rester longtemps, c’est le meilleur club du monde.»