Roger Federer a remporté dimanche les Swiss Indoors en battant en finale l’Espagnol Rafael Nadal en trois sets (6-3 5-7 6-3). Il s’agit du 88e titre de sa carrière, du 6e de sa saison et du 7e à Bâle (en 12 finales). Alors qu’il ne reste plus que le tournoi Master 1000 de Paris-Bercy à disputer cette semaine avant la finale de la saison à Londres, le Bâlois s’est replacé pour ravir à l’Ecossais Andy Murray la deuxième place du classement ATP derrière l’intouchable N°1 Novak Djokovic. L’histoire pourrait s’arrêter là, cet article n’être qu’une brève, et tout ceci ne serait pas très intéressant. Mais pour les amateurs de sport, l’essentiel était ailleurs.

Lorsqu’il reçut la coupe du vainqueur des mains de l’organisateur du tournoi Roger Brennwald, Roger Federer félicita Rafael Nadal pour son parcours, puis il le remercia de lui avoir permis d’offrir ce match à ses compatriotes, dans sa ville, dans son tournoi. A l’exception d’une exhibition en décembre 2010 à Zurich (pour une œuvre caritative), c’était la première fois que le public suisse pouvait assister autrement qu’à la télévision à un Federer-Nadal. L’affiche est un classique du tennis, huit fois jouée en finales de Grand Chelem, qui survivra à ses protagonistes comme l’une des grandes rivalités du sport moderne, avec l’inoubliable finale de Wimbledon 2008 (4h47 de lutte achevée au crépuscule par la victoire de Nadal) comme chef d’oeuvre ultime d’une saga qui proposait dimanche son 34e épisode.

Il se révéla plus ouvert qu’annoncé. Federer n’avait plus battu Nadal depuis trois ans ans (Indian Wells en mars 2012) et même cinq ans pour ce qui concerne les finales (les Masters en novembre 2010). Nadal n’avait – et n’a – jamais gagné le moindre titre en indoor. Les deux joueurs ne s’étaient plus affrontés depuis l’Open d’Australie en 2014, Nadal s’était imposé (avant de perdre en finale contre Stan Wawrinka) et menait depuis 23-10 dans leur face-à-face. Lorsque le dernier coup droit de l’Espagnol sortit des limites du court, Roger Federer ne put cacher une immense jubilation. Pour lui, tout s’était déroulé à la perfection: il venait de triompher de son plus grand adversaire devant ses supporters. Il leur avait amené le meilleur et il restait le meilleur. Il demeurait le premier dans son village en battant celui qui l’avait fait roi à Rome.

Le match fut superbe. Ce n’est pas forcément le cas lorsque deux joueurs se connaissent trop bien mais Nadal et Federer ont des jeux si opposés qu’ils se complètent comme le yin et le yang. Il y avait aussi sans doute, chez l’un comme chez l’autre, le sentiment que cet affrontement était peut-être l’un des derniers et qu’il fallait en profiter. Le début de match est étincelant, les deux champions tenant d’entrée à être à la hauteur de l’évènement. Mais Nadal, qui commence à perdre ses cheveux, n’a pas retrouvé toute sa flamme et peine à suivre le rythme après quelques jeux. En salle, il lui manque ce grand service qui lui ferait gagner quelques points facilement. Federer fait un premier break à 2-2 et accélère en fin de premier set. Un second break – blanc – lui offre la première manche (6-3).

Autour, le public bâlois se montre particulièrement attentif et bruyant. Ce n’est pas souvent le cas. D’ordinaire, le tennis n’est qu’un aimable à-côté; l’essentiel se passe en coulisses, sous les gradins où les Bâlois se coudoient bruyamment dans les innombrables bars et salons qui font tourner la petite entreprise de Roger Brennwald. Cette fois, la finale n’est pas une exhibition où l’on vient autant pour voir Federer jouer que pour constater que ses filles ont bien grandi. D’ailleurs, elles ne sont pas dans la loge, au contraire du producteur multi-oscarisé Arthur Cohn, le seul sans doute à compter autant de trophées que les deux joueurs.

Rafael Nadal a conquis bon nombre de ses titres en ne cédant pas dans les moments difficiles, avant de faire parler son endurance physique et mentale. Alors il s’accroche pour ne pas être distancé d’entrée de seconde manche. Quatre fois cette semaine, il a remonté un score alors que Federer s’est lui deux fois endormi en route après le gain de la première manche. L’Espagnol réalise quelques coups superbes mais toujours en réaction. Le Suisse garde la maîtrise du match, sans parvenir à conclure. A 5-5 30-30, il sort un coup droit trop croisée. Nadal bondit sur l’occasion et fait le break. Il conclut d’un jeu blanc, ajoutant un nouvel épisode de sa légende d’increvable dur à cuire.

Le public, tout bien réfléchi, est ravi. Un Federer-Nadal expédié en 1h30, ça n’aurait pas été un vrai Federer-Nadal et cette finale a autrement plus d’allure que le 6-2 6-2 collé l’an dernier par Federer à David Goffin. Dans la troisième manche, les deux adversaires alternent occasions manquées et, lorsqu’ils ont le dos au mur, les coups d’éclat. Un peu plus frais, un peu plus rapide, Roger Federer prend le service de Nadal à 4-3. Il conclut derrière après avoir remis une première balle de match. Le fair-play est aussi un classique des Federer-Nadal.