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Bernard Stamm seul au monde

Le Vaudois, attendu lundi en Australie, n'a plus que les éléments déchaînés comme adversaires, dans une course autour du monde qui prend une drôle de tournure.

Il ne s'attendait pas à ça. Pour ce dernier tango avec son bateau, Bernard Stamm n'imaginait pas se retrouver seul sur la piste avec son cavalier. Le Vaudois, aux prises en ce moment avec une mer déchaînée, n'a plus que les éléments comme adversaires. Le skipper du monocoque Cheminées Poujoulat devrait donc logiquement - mais la voile n'est pas franchement une science exacte - remporter haut la main la première étape de cette course autour du monde en solitaire avec escales, rebaptisée Velux 5 Oceans, dont il a pris le départ le 22 octobre dernier à Bilbao (Espagne). Bernard Stamm devrait toucher la terre australe de Fremantle, terme de cette première manche, dans la nuit de dimanche à lundi. Avec plusieurs jours d'avance sur le deuxième concurrent. Les trois autres, derrière, étant relégués à plus de 4000 milles, soit plus que la distance d'une transat.

Autant dire que cette course, qui ne comptait déjà que sept concurrents au départ, a pris une drôle de tournure depuis le naufrage d'Alex Thompson et le démâtage de son sauveteur Mike Golding. Les deux Britanniques représentaient la seule menace réelle pour le Suisse. Avec Dame Nature bien sûr. Alors, Bernard Stamm souhaite sincèrement que Mike Golding, qui devait arriver hier au Cap avec son rescapé à bord, puisse poursuivre l'aventure. Il l'a répété trois fois lors de la brève vacation tenue vendredi avec lui depuis le Salon nautique de Paris: «J'espère que Mike va revenir, sinon ça perdrait de son intérêt, même si mon poursuivant japonais fait une belle course.» Bernard Stamm craint que sans le retour de son rival anglais, «ce soit long, très long».

Pourtant, les chances de voir le skipper d'Ecover s'aligner au départ de la deuxième étape, semblent maigres. Certes, Mike Golding possède un mât de rechange, mais il faudrait qu'il mette son voilier sur un cargo en partance pour l'Australie. Une opération coûteuse. Il faudrait aussi que les organisateurs repoussent la date du coup d'envoi de la deuxième manche, prévu le 7 janvier prochain. «Nous l'envisageons très sérieusement, confie David Adams, le directeur de course. Pas uniquement pour Golding, mais aussi pour les autres skippers. Afin de leur laisser suffisamment de temps à Fremantle pour se préparer pour l'étape suivante. C'est une question de sécurité.» David Adams est le bras droit du patron de la course, sir Robin Knox-Johnston. Ce dernier, premier navigateur à avoir bouclé une circumnavigation en solitaire et sans escale en 1969, a décidé de relever à nouveau le défi, à 67 ans. En tant que propriétaire de la société organisatrice de l'épreuve, il estime certainement normal que des mesures soient prises pour lui faciliter la tâche...

Une chose est sûre, David Adams ne voit pas en quoi le fait qu'il ne reste plus que six skippers engagés - cinq si Golding renonce - et personne pour tenir tête à Bernard Stamm pose problème. «En tant qu'organisateurs, nous ne pouvons pas contrôler ce qui se passe. En voile, c'est la nature qui décide et la casse fait partie du jeu. De plus, Bernard Stamm n'a pas encore gagné et il peut y avoir d'autres abandons.» Et d'ajouter ce qui se veut être une plaisanterie: «En Suisse, vous avez bien la Coupe de l'America. C'est une régate à deux bateaux!» Quoi qu'en dise l'ironique directeur de la Velux 5 Oceans, l'absence de suspense avec la domination, depuis le début, du navigateur vaudois et les déboires de ses adversaires entame l'intérêt de cette course. Ce que confirme Stuart Alexander, journaliste au Daily Telegraph: «Le sauvetage de Thompson par Golding a été très médiatisé ici en Angleterre. Mais si ce dernier arrête, la couverture va se limiter à quelques papiers sur le tour du monde de Robin Knox Johnston à 67 ans.»

La Velux 5 Oceans a souffert de la concurrence de la Route du rhum, agendée en même temps. «Cela reste une classe très française, dont les skippers donnent la priorité à la Route du rhum. A nous de repenser l'ensemble du programme et du calendrier», insiste Luc Talbourdet, président de l'Association de la classe des monocoques de 60 pieds open (IMOCA), en réunion sur ce thème à Paris.

Pendant ce temps, Bernard Stamm fait le gros dos dans des conditions hostiles. «La mer va devenir toute blanche. L'essentiel maintenant c'est de ne pas casser, d'arriver...»