La commission d’éthique de la Fédération internationale de football (FIFA) a annoncé jeudi 8 octobre les suspensions, à titre provisoire, pour une durée de 90 jours de Joseph «Sepp» Blatter, président de la FIFA, Michel Platini, président de l’Union européenne de football (UEFA) et Jérôme Valcke (secrétaire général de la FIFA, relevé de ses fonctions en septembre). Le Sud-Coréen Chung Mong-joon, ancien vice-président de la FIFA, écope lui d’une suspension ferme de six ans ainsi que d’une amende de 100 000 francs. Ces sanctions sont immédiatement appliquées. Jusqu’au 6 janvier 2016, Sepp Blatter et Michel Platini «sont bannis de toute activité liée au football, que ce soit sur le plan national ou international», précise le communiqué de la commission d’éthique, qui ajoute qu’une «suspension additionnelle de 45 jours maximums pourrait être prononcée ultérieurement.» Les suspendus ont deux jours pour faire appel devant la commission des recours, sans effet suspensif.


Pourquoi sont-ils suspendus?

Chaque cas est différent. L’ancien secrétaire général Jérôme Valcke est soupçonné d’avoir participé à un marché noir de revente de billets VIP. Il est reproché au Sud-Coréen Chung Mong-joon une tentative de corruption dans le but de favoriser la candidature de son pays lors de l’attribution de la coupe du monde 2022. Si la commission d’éthique de la FIFA a plusieurs fois par le passé fait preuve d’une très grande bienveillance envers Sepp Blatter, elle ne pouvait pas décemment ignorer que le Valaisan est, depuis le 25 septembre, sous le coup d’une enquête pénale du Ministère public de la Confédération (MPC) pour «soupçon de gestion déloyale et abus de confiance» dans le cadre de la vente de droits télévisuels au Trinidadien Jack Warner (ancien vice-président de la FIFA), ainsi que de «paiement déloyal» pour une somme de 2 millions de francs en février 2011 à Michel Platini. Le Français, qui a été entendu par le MPC à titre de «personne appelée à donner renseignements», n’a pas fourni d’explication convaincante sur la justification de ce versement. Il lui était difficile de passer entre les mailles du filet de la commission d’éthique. Autant Michel Platini que Sepp Blatter se sont étonnés de ne pas avoir été entendus. «Le comité d’éthique n’a pas suivi le code de procédure», dénoncent les avocats de Sepp Blatter.


Qui dirige la FIFA?

Depuis un an, c’est un véritable jeu de massacre. En quelques mois, le comité exécutif de la FIFA a perdu son président, deux vice-présidents, deux ex-vice-présidents, et plusieurs membres influents. Miraculeusement épargné à ce jour, mais loin d’être irréprochable (lire par ailleurs), le Camerounais Issa Hayatou est aujourd’hui le responsable hiérarchique de la FIFA en sa qualité de «vice-président senior». Sepp Blatter avait jusqu’ici tendance à toujours se considérer comme le seul maître à bord, comme en témoigne la manière expéditive avec laquelle il a dédaigné la semaine dernière les appels à une démission immédiate de certains gros sponsors. «Ce ne sont que les Américains…» a-t-il minimisé. Il semblerait toutefois que la haute administration de la FIFA s’affranchisse du patron. Selon France Football, les employés auraient été informés que Sepp Blatter ne s’exprimait plus au nom de la FIFA mais en son nom propre. L’UEFA, qui a convoqué une réunion de crise pour le 15 octobre, est confiée provisoirement à son «premier vice-président», l’Espagnol Angel Maria Villar.

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Sepp Blatter tire-t-il les ficelles?

Selon son conseiller personnel Klaus J. Stöhlker, cité jeudi par Bild, «Sepp Blatter se réjouit d’avoir trois mois de vacances. Le Valais est particulièrement beau en automne. C’est un homme très occupé, il ne va pas s’ennuyer. Il a mérité un peu de tranquillité.» Des propos qui peuvent faire sourire ou trembler. Même tenu à distance, le Valaisan est tout à fait capable de mener le jeu par ses déclarations à la justice ou à la presse. En prenant récemment la défense de Michel Platini, n’a-t-il pas contraint la commission d’éthique à lier le sort de son rival au sien? Des quatre suspendus, il est finalement celui qui a le moins à perdre. Chung Mong-joon est définitivement écarté de la course à la présidence. La candidature de Michel Platini, elle, ne tient plus qu’à un fil. En janvier, il restera encore deux mois à Sepp Blatter pour orienter le choix de son successeur. Son obsession, sans doute, depuis son éviction forcée, et la vraie raison du tour de passe-passe qui lui a permis de démissionner cet été tout en restant en place.

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Michel Platini peut-il encore se présenter?

Techniquement oui. Mais ce n’est sans doute qu’une question de jours. Ce n’est pas la commission d’éthique qui valide les candidatures pour l’élection à la présidence de la FIFA (le 26 février 2016), mais la commission électorale de la FIFA, qui se réunira à la fin du délai de dépôt des candidatures, fixé au 26 octobre. Mais comme la commission électorale basera sa décision sur le test d’intégrité que chaque candidat devra passer devant… la commission d’éthique, le Français aura de la peine à inverser la tendance. «Ce serait même une première», confie un habitué de la FIFA. Jeudi, Michel Platini a néanmoins maintenu sa candidature et présenté les indispensables lettres de soutien de cinq fédérations nationales. «Il reviendra à une justice sereine, indépendante et impartiale de faire la lumière sur les faits. J’ai la certitude que nous surmonterons cette difficulté en toute transparence et dans l’unité. […] Je me battrai jusqu’à ce que la vérité éclate», affirme-t-il dans un communiqué. Cela lui sera difficile puisqu’il ne pourra approcher aucun dirigeant durant sa suspension.

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