Véronique, la maman est plus nerveuse que sa fille. Ça lui fait tout drôle de voir la chair de sa chair donner une interview. Car avant d’être un espoir de la nation en natation, Charlotte Dewarrat, 15 ans, est avant tout son enfant. Une relation fusionnelle mise à rude épreuve depuis septembre dernier. Depuis que la jeune fille a décidé – avec la bénédiction de ses parents forcément – de quitter le domicile familial pour aller nager de ses propres ailes au Centre national de sport de la jeunesse de Tenero (Tessin). La séparation n’a pas été facile, avouent mère et fille. Mais ça va mieux. Et ce sacrifice, Charlotte a accepté de le faire pour donner corps à ses rêves de haut niveau.
A Tenero, – école où va notamment la skieuse Lara Gut – la championne en herbe se voit offrir un programme scolaire aménagé en fonction des entraînememts et des compétitions. Et pour améliorer sa technique et ses chronos, elle a la chance d’être prise en charge par Genadi Toureski. Qui n’est autre que l’ancien entraîneur du légendaire Alexander Popov. «Nous avons un bon feeling. Je sens qu’il est un cran au-dessus. Avec lui, j’ai progressé. J’ai amélioré de deux secondes mon temps sur 50 mètres en maillot de bain», s’enthousiasme Charlotte. «C’est un phénomène, renchérit sa maman. Quelqu’un plein de charisme. Pour lui, pour que ça marche bien en natation, il faut être bien partout et avoir la tête reposée. Et il travaille dans ce sens-là avec elle.»
Cette formation sports études a forcément un coût. «L’Etat de Genève paie une petite subvention qui est versée à l’école du Tessin et nous, nous payons une partie de la scolarité – 1000 francs par mois – à Swiss Swimming, précise Véronique, consciente, comme sa fille, que même à ce tarif-là, ce n’est pas à la portée de tous les portefeuilles. Nous tenions à ce qu’elle puisse avoir ce statut de sportif d’élite car le fait qu’elle puisse continuer ses études était pour nous une condition. On aurait la possibilité de faire une demande pour obtenir une aide de sponsors.»
Après avoir longtemps balancé entre triathlon et natation, le cœur de Charlotte a fait son choix l’an dernier. «J’aime nager et faire du vélo, mais je n’aime pas la course à pied», avoue-t-elle. La maman raconte que sa progéniture – la petite sœur Zoé, 10 ans, aussi – semble être née avec des dispositions aquatiques évidentes. «Depuis qu’elle est bébé, elle a cette attirance pour l’eau.» L’intéressée confirme. «J’ai toujours aimé être dans l’eau. Je n’ai pas été poussée. Nager est un besoin naturel.» Il faut ça pour supporter quatre heures par jour de natation. Auxquelles s’ajoute une heure de condition physique. Charlotte avoue avoir Michael Phelps pour modèle. Et au détour de la conversation, elle confie que, comme l’octuple champion olympique, nager constituait, lorsqu’elle était enfant, une forme de thérapie. Pour canaliser son hyperactivité. «J’avais du mal à rester concentrée sur quelque chose. J’avais toujours besoin de bouger.» Et sa maman, qui a souffert du regard que la société pose sur ces enfants-là, insiste: «Le sport a le même effet que les pastilles.» Ce trait de caractère commun à Phelps n’est pas anodin. Et Charlotte est déterminée à participer aux JO 2016. «Un objectif atteignable. Il suffit d’y croire et de vouloir.» Au prix de quelques sacrifices. «Ce ne sont pas des sacrifices quand on aime ça. Et une carrière en natation ne dure pas longtemps.»