Un centre d’aide indépendant devrait être mis en place pour signaler les abus dans le sport. Le Conseil des Etats a accepté mardi par 26 voix contre 17 une motion lancée dans le cadre des mauvais traitements dénoncés par d’anciennes gymnastes de haut niveau. Le texte demande la création d’un centre d’aide ou d’un service de signalement national indépendant auprès duquel les athlètes pourraient signaler les abus survenus dans le domaine du sport. Il devrait recueillir les violences physiques, psychiques ou sexuelles, de mobbing ou d’abus de pouvoir.

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Elisabeth Baume-Schneider (PS/JU) a relevé le courage des sportives qui ont révélé la relation dysfonctionnelle avec leurs entraîneurs. «En dépit des mesures prises, des situations de blessures physiques et psychiques ont perduré.» La socialiste a relevé l’importance de l’indépendance et le gain en visibilité d’une telle structure pour les sportifs concernés.

Culture de la peur

Depuis le mois de juin, plusieurs anciennes membres du cadre national de gymnastique rythmique ont témoigné dans Blick, NZZ am Sonntag, Le Temps, La Liberté, ainsi que sur la RTS, pour dénoncer les méthodes d’entraînement et les mauvais traitements subis à Macolin, mais c’est leur recoupement, étayé par de nouveaux cas plus actuels, dans un très long article publié fin octobre dans le Magazin du Tages-Anzeiger, qui a enfin ébranlé la classe politique.

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Les anciennes sportives parlent notamment d’une culture de la peur qui prévaut dans le centre sportif et d’abus psychologiques. La limite entre les exigences liées à ce sport et le harcèlement est parfois mince, mais il faut clairement la renforcer, a déclaré Hannes Germann (UDC/SH) pour la commission. Il a rappelé que les sociétés de gymnastique comptent 370 000 membres, dont 60% sont de sexe féminin. «Les témoignages des sportives de Macolin ont choqué tout le monde», a-t-il déclaré.

Droite pas entièrement convaincue

Une minorité de droite a mis en doute l’efficacité d’une telle structure. La Confédération ne peut pas mettre sur pied un service de médiation pour chaque sport, a déclaré Ruedi Noser (PLR/ZH), qui a parlé d’un «thème émotionnel». L’Etat ne devrait intervenir qu’à titre subsidiaire aux côtés des instances officielles du sport, notamment Swiss Olympic, selon Jakob Stark (UDC/TG).

Comment garantir l’indépendance d’un tel centre? s’est aussi demandé Damian Müller (PLR/LU), qui pense qu’une telle structure compterait forcément des gens du même milieu. Pour lui, cela ne réglera de toute façon pas ce qui se passe réellement sur le terrain ou dans la salle de sport. Andrea Gmür (PDC/LU) a rappelé le rôle primordial des parents.

La majorité s’est ralliée aux arguments de la conseillère fédérale Viola Amherd. Le Département des sports a chargé l’an dernier Swiss Olympic de faire la lumière sur les méthodes d’entraînement au centre de Macolin. Pour la cheffe du DDPS, ce service indépendant est nécessaire. Certaines fédérations ont mis en place un organe d’annonce. Mais certaines pas. Il faut une structure nationale. La motion laisse encore beaucoup de marge de manœuvre sur le financement et les contours de ce centre. La Confédération doit travailler avec Swiss Olympic pour introduire ce service en 2022.

Multiplier les structures pour minimiser les risques

Après plusieurs incidents, la Fédération suisse de gymnastique s’était déjà dotée en 2018 d’un code de déontologie et avait mis en place une commission d’éthique. Basée à Lausanne, la Fédération internationale de gymnastique (FIG) a elle aussi créé une Fondation d’éthique de la gymnastique (FEG), présidée par Micheline Calmy-Rey et disposant d’un service d’écoute.

Le Conseil des Etats salue les efforts supplémentaires qui ont été entrepris, mais par sa motion veut tout faire pour minimiser les risques. La commission d’éthique doit être nationale, indépendante de la fédération et doit garantir une confidentialité absolue. En outre, la motion demande de préciser comment doivent être traitées les informations et déclarations adressées à cette commission. Il faut aussi clarifier la question de la responsabilité en matière de respect de la charte d’éthique de Swiss Olympic et du code de déontologie des entraîneurs.

Le Conseil national doit se prononcer.

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