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Corps sans tête, le ski suisse cherche à Adelboden des raisons de croire en son avenir

La station bernoise accueille deux slaloms ce week-end: un géant samedi et un spécial dimanche. Les Suisses y ont souvent réussi de bons résultats. Cette année, leur mauvais début de saison et les changements à la tête de Swiss Ski changent tout.

Le ski suisse est donc décapité. En deux jours, le directeur de Swiss Ski, Jean-Daniel Mudry, puis le directeur du ski alpin messieurs, Karl Frehsner, ont annoncé qu'ils partaient à la retraite à la fin de la saison. Swiss Ski est un corps sans tête. Hier, c'est comme si cette incongruité hantait les ruelles d'Adelboden. Accueillir la Coupe du monde est une fierté pour la station des Alpes bernoises, d'autant que le palmarès a souvent fait la part belle aux Suisses: Didier Cuche a remporté le géant en 2002. Mais une équipe suisse en lambeaux, comme celle qui se présente aujourd'hui, cela fait désordre.

Comme toujours la veille des courses qui se déroulent en Suisse, les athlètes se sont mis à la disposition de la presse hier, dans le hall de leur hôtel. Comme pour prouver que l'heure était bien aux remises en cause, Gian Gilli a pris la parole avant de laisser les skieurs répondre aux questions. Le chef du département des sports de compétition a lu un communiqué, dans lequel la direction du ski suisse regrette officiellement que certains de ses représentants aient mis en cause Descente: le fournisseur des combinaisons, a-t-il rappelé, est associé aux victoires helvétiques depuis trente ans, le dernier triomphe remontant à une semaine. Une manière élégante de faire la paix avec la marque japonaise, qui a fort peu goûté les reproches des Suisses, pour qui la porosité des tissus employés cette saison était la cause de leurs déboires en course.

L'«affaire des combinaisons» ne connaîtra pas de rebondissements avant le terme des tests qui sont menés actuellement par un institut indépendant. Et la fin de ces expérimentations n'est pas fixée… Depuis le mois de janvier, les skieurs portent des ensembles faits de l'étoffe employée la saison dernière. Leurs résultats en hausse, pensent-ils, leur donnent raison face à des dirigeants qui ont tardé à aborder le problème.

Cette tragi-comédie a laissé des traces profondes chez les skieurs comme chez les responsables de Swiss Ski. On peut penser qu'elle a joué un rôle important dans le charivari intervenu ces deux derniers jours. Lorsqu'on lui demande de dessiner le profil idéal du successeur de Karl Frehsner, Bruno Kernen revient, «pour la toute dernière fois» sur le «problème des combinaisons». «Je pense que nous devrons choisir un homme qui soit ouvert et bon communicateur, à l'externe comme à l'interne, détaille le Bernois. Une personne qui sache faire le lien entre l'équipe et la direction, intervenir au nom de tous lorsqu'un problème survient, comme cet hiver.»

L'ancien champion du monde de descente a appris le départ de Jean-Daniel Mudry par la presse. «Cela m'a rappelé que j'avais entendu, plus tôt dans l'hiver, qu'il avait pris sa décision de partir», se remémore-t-il. L'annonce de Karl Frehsner auprès de l'équipe, mercredi soir, l'a plus surpris même si, dans le fond, il s'y attendait: «Ce qui s'est passé cet hiver, avec ces polémiques en chaîne, était tout sauf drôle pour Karl. Son départ en est la suite logique. Swiss Ski se serait mis dans une situation où il aurait été impossible de travailler si elle l'avait reconduit dans sa fonction.»

Didier Cuche en est à son troisième changement d'entraîneur; un processus «qui fait partie d'une carrière et sur lequel les skieurs ont peu d'influence», a-t-il déclaré. Pour l'avenir, le Neuchâtelois souhaite «une personne qui inspire confiance». «Freshner, continue-t-il, a beaucoup apporté. J'ai pu tirer ce qui était de bien chez un homme d'expérience.»

Bruno Kernen, qui n'était «pas malheureux avec Karl», connaîtra son huitième chef depuis ses débuts en Coupe du Monde, en 1990. «J'ai dit à Gian Gilli que j'aimerais qu'une continuité puisse s'installer. A peine les réformes entreprises sont-elles effectives que l'on change de système.»

Le descendeur a eu raison d'aller parler au Grison. «Je veux que les athlètes viennent me dire ce qu'ils ressentent, confirme ce dernier. A la fin, je ne pourrai choisir qu'un seul homme, mais j'aurai écouté toutes les complaintes. La situation actuelle est une chance pour nous.»

Karl Frehsner quittera donc, au printemps, un sport dans lequel il a collectionné les médailles. Une décision qui n'a pas été difficile, jure-t-il. «Sinon, je ne l'aurais pas prise», murmure ce taciturne. Hier, alors que ses athlètes parlaient à la presse, le presque retraité posait pour une employée de Swiss Ski, qui le prenait en photo sur son agenda électronique. Sa première photo de départ.