Pédaler dans la gadoue, un art qui se perd
Cyclisme
Les Championnats de Suisse de cyclo-cross se sont disputés dimanche près de Zurich devant un public de fidèles. Très populaire en Belgique et aux Pays-Bas, la discipline a perdu de son attrait auprès des équipes cyclistes, qui préfèrent désormais s’entraîner au sec

Tout sportif rêve de laisser une trace. En cyclo-cross, lorsque les conditions sont boueuses comme elles l’étaient dimanche à Mettmenstetten, dans la campagne zurichoise, pour les Championnats de Suisse, il s’agit même d’un sillon. Dans la gadoue, les titres nationaux sont revenus à la Nidwaldienne Alessandra Keller (26 ans), qui conserve son bien, et au Zurichois Timon Rüegg (26 ans), qui a surpris le double tenant du titre et grand favori Kevin Kuhn, seulement troisième à 70 secondes du vainqueur, Lars Forster le privant même du premier accessit.
Cette semaine, une journaliste du Temps a suivi une partie du camp d’entraînement du Tudor Pro Cycling Team à Alicante. Comme la grande majorité du peloton, cette nouvelle équipe à pavillon suisse prépare sa saison au soleil d’Espagne. Aucun coureur ne comptait prendre le départ dimanche à Mettmenstetten. «Ce sont désormais deux sports différents, j’aimais bien faire du cyclo-cross mais plus pour mon plaisir que pour ma préparation», se souvenait dans l’avion Fabien Cancellara, le manager de l’équipe.
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Jadis, le cyclo-cross – à ne pas confondre avec le VTT cross-country – était au cyclisme ce que le cross était à l’athlétisme: une école du labeur autant qu’un labour, une manière rude et humble de passer l’hiver en préparant des jours meilleurs. Dans une ambiance de kermesse et des effluves de vin chaud, le cyclisme renouait avec ses origines rurales. C’est encore le cas en Belgique et aux Pays-Bas, où le cyclo-cross est d’autant plus populaire que les deux stars des plats pays, le Néerlandais Mathieu van der Poel et le Belge Wout van Aert, se disputent les titres mondiaux avec la même âpreté qu’ils mettent au printemps à sprinter dans les classiques.
La Suisse, qui connut ce sentiment de domination dans les années 1970 lorsque Albert Zweifel et Peter Frischknecht étaient de presque tous les podiums internationaux, regarde aujourd’hui cela de loin, et salue comme une victoire la troisième place de Kevin Kuhn sur une épreuve de Coupe du monde, mi-décembre à Val di Sole.
Il neigeait ce jour-là dans le Trentin et Timon Rüegg s’était classé cinquième. Depuis, le coureur du Cross Team Legendre a pédalé dans le sable à Zonhoven, dans le Limbourg. Dimanche, dans la terre grasse et profonde du district d’Affoltern, il a d’abord laissé partir Kevin Kuhn avant de revenir progressivement et de prendre la tête de la course dans le sixième des huit tours.
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Un peu plus tôt, Alessandra Keller, vainqueur l’an dernier de la Coupe du monde de VTT et invaincue en Suisse en cross-country, avait dominé de bout en bout la course élite dames. «C’étaient de vraies conditions de cross, souligna-t-elle, ravie après l’arrivée, sur le site de la Fédération suisse de cyclisme. C’était exigeant, profond, glissant et boueux et Rebekka Estermann m’a poussée jusqu’au bout. Je fais du cyclo-cross pour me développer, pour élargir ma palette technique mais je suis heureuse de pouvoir porter le maillot national une année de plus.» Elle l’étrennera lors des Championnats du monde, qui se dérouleront à Hoogerheide, aux Pays-Bas, le premier week-end de février. Il y aura une température très basse, le vent de la mer du Nord et une chaude ambiance.