Le titre de champion du (bout du) monde ne fait pas rêver tous les coureurs
Cyclisme
A l’image du vainqueur du Tour de France Jonas Vingegaard, plusieurs grands noms du peloton ont d’autres priorités que les Championnats du monde en Australie, du 18 au 25 septembre. Pour d’autres, le voyage est tout simplement trop cher

«J’ai aussi une femme et une vie.» Mads Pedersen, champion du monde en 2019, avance un argument imparable pour expliquer son absence aux prochains Championnats du monde cyclistes organisés du 18 au 25 septembre à Wollongong, sur la côte Est de l’Australie. A la fin de la Vuelta, le sprinteur danois comptait déjà plus de 80 jours en course cette saison.
Si les Mondiaux avaient eu lieu en Europe, épicentre du cyclisme, il aurait peut-être prolongé le plaisir. Mais partir au moins une semaine à plus de 15 000 km, encaisser le voyage en avion, le décalage horaire et un changement de saison (c’est le printemps en Australie) était au-delà de ses forces. Et il n’est pas le seul. En août, un autre Danois, le vainqueur du Tour de France Jonas Vingegaard avait déjà fait l’impasse, exténué par sa victoire sur le Tour de France et son nouveau statut de superstar.
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Le plateau a tout de même fière allure avec des favoris tels que les Belges Wout van Aert et Remco Evenepoel (le récent vainqueur de la Vuelta), le double champion du monde en titre français Julian Alaphilippe, le Slovène Tadej Pogacar (Primoz Roglic est blessé). La Suisse alignera notamment Stefan Bissegger, Silvan Dillier et Stefan Küng. Mais pour beaucoup de coureurs, ces Mondiaux sont trop loin, arrivent trop tard ou coûtent trop cher.
Un déplacement trop coûteux
Le Français Benoît Cosnefroy avait rayé l’épreuve de son calendrier dès le mois de juin. «C’est un déplacement très coûteux en énergie à ce moment-là de l’année, et avec un tel décalage horaire. Je n’avais pas encore gagné et je ne me sentais pas en position de force avec mon équipe, les sponsors qui nous paient», a-t-il expliqué vendredi après sa victoire au GP de Québec sur un parcours semblable à celui des Mondiaux.
Avion, hébergement, personnel: le déplacement aux antipodes coûte une petite fortune, que certaines nations sont incapables de mettre sur la table. Des pays comme l’Irlande et… la Nouvelle-Zélande, pays voisin mais dont la plupart des coureurs pros sont basés en Europe, ont tout simplement annulé leur participation.
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Au Canada, les meilleurs coureurs comme Hugo Houle, vainqueur d’étape sur le Tour de France cet été, Michael Woods ou Antoine Duchesne ont renoncé lorsqu’ils ont appris que la fédération leur demandait de payer leur billet d’avion. «Cyclisme Canada n’a pas les moyens de payer, c’est entièrement à nos frais. […] Moi, ça ne m’intéresse pas», a commenté Hugo Houle.
Trop tard dans le calendrier
«Les Championnats du monde sur route de cette année en Australie coûtent incroyablement cher. Nous nous sommes engagés à aligner des équipes dans chaque catégorie, et avec une équipe plus grande, cela entraîne des coûts supplémentaires», a justifié Scott Kelly, chef du sport à la fédération canadienne, qui a prévu 110 000 dollars canadiens (80 000 francs), soit le tiers du budget annuel pour la compétition sur route.
En cette fin de saison, plusieurs gros bras du peloton ont déjà grillé toutes leurs cartouches à l’image du Britannique Tom Pidcock, vainqueur à l’Alpe d’Huez en juillet, ou de l’Allemand Maximilian Schachmann, double vainqueur de Paris-Nice et autre prétendant potentiel, qui, épuisé, a mis un terme à sa saison. La fatigue est un élément récurrent aux Mondiaux, mais le périple jusqu’en Australie fait office de facteur aggravant, y compris pour un jeune coureur comme l’Espagnol Juan Ayuso (19 ans), qui a déclaré forfait mardi soir après son «gros effort sur la Vuelta», qu’il a terminée à la 3e place.
Le veto des équipes menacées de relégation
S’y ajoute, pour la première fois, la lutte pour le maintien dans la World Team pour les trois prochaines saisons. Cet enjeu crucial a poussé plusieurs équipes à retenir leurs coureurs pour les aligner sur le maximum de courses en Europe dans le but de marquer des points UCI. La Belgique fera ainsi sans les coureurs de Lotto et l’Espagne sera privée des champions de Movistar comme Alejandro Valverde. Selon le sélectionneur Pascual Momparler, le champion du monde 2018 était partant. «Mais il n’a pas reçu la permission. Certains managers ont des emplois à sauver pour les trois prochaines années», a convenu le sélectionneur français Thomas Voeckler.
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