Ski alpin
La plus mythique des épreuves requiert du courage autant que de la technique. C’est encore plus vrai à Saint-Moritz qu’ailleurs: le départ y est le plus raide du monde

Journée sans épreuve et donc sans médaille à gagner, jeudi, aux championnats du monde de Saint-Moritz. Mais pas sans ski pour les athlètes: ils disputaient leur deuxième entraînement en vue d’un week-end consacré aux descentes (samedi pour les hommes, dimanche pour les femmes). Ces séances contribuent à faire monter la tension autour de l’épreuve-reine des Mondiaux, la plus attendue, celle qui réunira devant leur écran autant de téléspectateurs qu’une finale de grande compétition de football.
«La fascination de la descente tient à ces dingues propulsés à 150 km/h, estime Massimo Lorenzi, chef des sports de la RTS. En Suisse, nous avons tous mis des skis, nous avons tous senti nos jambes trembler en atteignant 70 km/h. Eux, ils vont deux fois plus vite. Chacun se rend compte de la folie que cela représente.» Champion olympique de la spécialité à Vancouver en 2010, le Valaisan Didier Défago renchérit: «La descente implique une importante prise de risque. Il y a la haute vitesse et, chez les hommes en particulier, des sauts très impressionnants. Tous les skieurs ne rêvent pas d’exceller dans les épreuves de vitesse. Mais elles procurent des sensations extraordinaires quand on peut y toucher, quand on a le courage nécessaire.»
Un nid dans la roche
Pour un skieur, il s’agit autant une affaire d’abandon de soi que de technique. Il faut oser offrir son corps à la piste. C’est encore plus vrai à Saint-Moritz qu’ailleurs. Le départ de la descente masculine est le plus raide du monde. Sur quelque 150 mètres, la pente est mesurée à 45 degrés. Les skieurs y passent de 0 à 140 km/h en quelque six secondes. Des Formule 1 au départ d’un Grand Prix.
C’est Bernhard Russi, ancien champion du monde et médaillé olympique de la descente, qui eut la vision de ce départ unique au monde en prévision des championnats du monde de Saint-Moritz 2003. Son surnom: la free fall, car elle offrirait à ceux qui s’y élancent des sensations comparables à celle d’une chute libre. «En regardant en bas, les pulsations-minute de n’importe quel skieur montent à 120», prétend le site web des Mondiaux.
Les photos peinent à faire ressentir la déclivité de la piste à cet endroit. On mesure un peu mieux les choses en s’approchant du site en télésiège. Il y a le départ de la descente féminine et, plus haut, improbable nid bâti dans une paroi de roches abruptes, le fameux tremplin. Mais il n’y a sans doute qu’en voyant la pente avec les yeux d’un skieur qui s’apprête à prendre le départ qu’on appréhenderait complètement le défi.
C’est bon pour le moral
«Chez les hommes, en Coupe du monde, les athlètes sont habitués à des départs assez raides, souligne Didier Défago. Je pense notamment à ceux de Bormio et de Kitzbühel. Celui de Saint-Moritz fait clairement partie de cette liste. Il faut directement s’engager à fond. Cela met un petit coup de pression, surtout quand il s’agit d’une découverte. Après, on apprivoise l’endroit et on peut penser à repousser ses limites.»
Dans ces conditions, les entraînements prennent une importance primordiale pour chasser les doutes. Malgré une douzième place décevante en super G, Beat Feuz fait partie des athlètes qui en ont le mieux profité. Il a signé le meilleur temps de la première séance d’essai, le deuxième de la seconde (qui a été arrêtée, jeudi, après le passage de 24 concurrents à cause du brouillard). «Pour lui, pour sa confiance, c’est excellent, reprend Didier Défago. Cela montre qu’il a la piste bien dans les jambes.»
Mais les écarts sont restés très minces et la course s’annonce incertaine. Dans le camp suisse, le champion du monde en titre Patrick Küng et Carlo Janka se sont aussi montrés dans le coup. Prêts pour une chute libre vers la postérité, garantie à celui qui triomphe lors d’une descente de championnats du monde.