Mardi en conférence de presse, après la 11e étape qui l'a vu conserver sans effort son maillot jaune, Lance Armstrong a rigolé, plaisantant comme jamais, s'amusant des questions qui lui étaient posées. Une attitude qui tranche avec la froideur dont il a fait preuve pour se débarrasser de ses adversaires. Est-il le nouveau patron du peloton? «Cette époque est révolue. Il n'y a plus de patron comme c'était le cas avec Bernard Hinault», répond l'Américain. Pourtant aujourd'hui, tous les coureurs ou presque acceptent sa supériorité. Ils courbent presque la tête, signe de respect et de soumission. Ils acceptent presque de s'entre-déchirer pour... la seconde place.
Lundi, dans les Pyrénées, personne n'a donc pu lui résister. A chaque fois qu'il passait un adversaire, qu'il soit grimpeur comme Richard Virenque ou Jose Maria Jimenez, ou athlète complet, la différence sautait aux yeux. Non seulement le Texan avançait deux fois plus vite, mais ses jambes, toujours en souplesse, tournaient à une vitesse affolante. Il pédalait un peu à la manière d'un vététiste, mais sa vitesse était deux fois plus grande. Là non plus, ce n'est pas nouveau. L'année dernière, après sa démonstration sous la pluie dans la montée vers Sestrières, son rythme avait déjà impressionné. C'est peut-être là que réside son secret, même si, dans le cyclisme, on sait qu'un coureur en forme «arrive à tourner les jambes bien plus vite que ses adversaires».
Cette manière de pédaler, Lance Armstrong ne l'a pas toujours eue. Avant qu'il ne soit atteint d'un cancer, il avait plutôt l'habitude de monter en danseuse et de relancer souvent. Il pesait 79 kilos et était musculeux. Sa maladie lui fera perdre 7 kilos mais, au prix de longues séances de musculation, il a gardé sa puissance, mais sans la masse musculaire. Dès l'instant où son équipe, l'US Postal, fut certaine qu'il avait le profil d'un vainqueur du Tour – après le Tour d'Espagne 1998 qu'il a terminé 4e –, l'encadrement s'est mis au travail pour construire l'«Armstrong des montagnes».
Plus question d'emmener de gros braquets, habitude qu'il avait héritée de son passé de triathlète. Avant le Tour 99, il s'astreint plus souvent qu'à son tour à de longues sorties en pignon fixe. Pour améliorer son endurance, mais aussi pour apprendre à rester concentré sur son coup de pédale. «J'ai pris un soin particulier à travailler le geste et la souplesse», expliquait-il en septembre 1999 à Vélo Magazine. Plus question non plus de se lever. A force de tests et de recherches ergonomiques, l'US Postal a bâti un modèle de puissance.