Publicité

Détendu, Lance Armstrong se comporte comme le patron qu'il affirme ne pas être

La performance de l'Américain dans les Pyrénées laisse la caravane du Tour de France pantoise. Pour beaucoup, l'épreuve est déjà jouée, tant sa supériorité semble manifeste. L'étape d'hier a mis en évidence son pédalage exceptionnel, entraîné au cours de longues sorties en pignon fixe. Afin d'améliorer son endurance et pour rester concentré sur son coup de pédale

Ce matin à Bagnè-res-de-Bigorre, la caravane du Tour de France était encore tout étourdie. Même le froid qui sévit sur le sud-ouest de la France n'arrive pas à lui voler la vedette. La démonstration de Lance Armstrong dans la montée finale vers Hautacam est le sujet récurrent de conversation. Avec un seul constat, admiratif, mais aussi désolant: «Il a gagné le Tour 2000.» Désormais, la lutte sera chaude, mais pour la seconde place du classement général.

Bien sûr, quelques rêveurs répètent que personne n'est à l'abri d'une défaillance. Lance Armstrong y compris, qui redoute officiellement les pièges qui se succéderont à partir de jeudi et l'étape du Mont-Ventoux: «Tout le monde peut craquer. Au Ventoux ou à Courchevel, il est possible de lâcher quinze ou vingt minutes dans un mauvais jour. L'an passé, j'ai souffert dans les derniers jours de course.» S'il le dit. L'année dernière, peu de monde cependant avait eu cette impression. Tout comme ils sont bien rares ceux qui estiment que sa «démonstration» restera sans suite.

Mardi en conférence de presse, après la 11e étape qui l'a vu conserver sans effort son maillot jaune, Lance Armstrong a rigolé, plaisantant comme jamais, s'amusant des questions qui lui étaient posées. Une attitude qui tranche avec la froideur dont il a fait preuve pour se débarrasser de ses adversaires. Est-il le nouveau patron du peloton? «Cette époque est révolue. Il n'y a plus de patron comme c'était le cas avec Bernard Hinault», répond l'Américain. Pourtant aujourd'hui, tous les coureurs ou presque acceptent sa supériorité. Ils courbent presque la tête, signe de respect et de soumission. Ils acceptent presque de s'entre-déchirer pour... la seconde place.

Lundi, dans les Pyrénées, personne n'a donc pu lui résister. A chaque fois qu'il passait un adversaire, qu'il soit grimpeur comme Richard Virenque ou Jose Maria Jimenez, ou athlète complet, la différence sautait aux yeux. Non seulement le Texan avançait deux fois plus vite, mais ses jambes, toujours en souplesse, tournaient à une vitesse affolante. Il pédalait un peu à la manière d'un vététiste, mais sa vitesse était deux fois plus grande. Là non plus, ce n'est pas nouveau. L'année dernière, après sa démonstration sous la pluie dans la montée vers Sestrières, son rythme avait déjà impressionné. C'est peut-être là que réside son secret, même si, dans le cyclisme, on sait qu'un coureur en forme «arrive à tourner les jambes bien plus vite que ses adversaires».

Cette manière de pédaler, Lance Armstrong ne l'a pas toujours eue. Avant qu'il ne soit atteint d'un cancer, il avait plutôt l'habitude de monter en danseuse et de relancer souvent. Il pesait 79 kilos et était musculeux. Sa maladie lui fera perdre 7 kilos mais, au prix de longues séances de musculation, il a gardé sa puissance, mais sans la masse musculaire. Dès l'instant où son équipe, l'US Postal, fut certaine qu'il avait le profil d'un vainqueur du Tour – après le Tour d'Espagne 1998 qu'il a terminé 4e –, l'encadrement s'est mis au travail pour construire l'«Armstrong des montagnes».

Plus question d'emmener de gros braquets, habitude qu'il avait héritée de son passé de triathlète. Avant le Tour 99, il s'astreint plus souvent qu'à son tour à de longues sorties en pignon fixe. Pour améliorer son endurance, mais aussi pour apprendre à rester concentré sur son coup de pédale. «J'ai pris un soin particulier à travailler le geste et la souplesse», expliquait-il en septembre 1999 à Vélo Magazine. Plus question non plus de se lever. A force de tests et de recherches ergonomiques, l'US Postal a bâti un modèle de puissance.