«Rogge est parfait pour montrer ses superbes dents blanches, mais il a gardé le silence sur les réformes nécessaires au Mouvement olympique», analysait crûment le journaliste Andrew Jennings avant l'élection de Moscou. «A-t-il les tripes pour un boulot pareil? Je ne le crois pas.»
Grand pourfendeur du CIO, Jennings se fourvoyait. Drapé dans une discrétion que certains ont qualifiée de distance hautaine, le médecin du Plat Pays s'est au moins montré efficace en deux circonstances, depuis son entrée au CIO en 1991: à la tête de la commission de coordination des Jeux de Sydney – puisque ceux-ci constituèrent une réussite sans tache – et au même poste s'agissant d'Athènes 2004. Là, il n'a cessé de «pousser à la roue», semble-t-il avec succès, allant jusqu'à brandir la menace du retrait des JO aux Grecs si ces derniers ne donnaient pas un coup de collier sérieux, afin de rattraper les retards accumulés dans les travaux d'infrastructure.
Loin des flonflons et autres déclarations tonitruantes, la prise de pouvoir de Jacques Rogge a révélé l'entité du personnage. Depuis son accession au trône, il s'est mis ouvertement en porte-à-faux avec son mentor Samaranch sur la question des produits dopants; a fustigé l'Union européenne devant ses atermoiements pour financer l'Agence antidopage; réduit le train de vie du CIO et remis certains directeurs à leur place; de surcroît, il s'est exprimé avec clarté sur le problème récurrent du redimensionnement des Jeux.
En fait, Rogge a joué le candidat consensuel, prononçant des discours léchés et dépourvus d'aspérités, pour mieux devenir, une fois le choix de ses pairs effectué, un président à la fois politicien de choc et réformateur dynamique. On appelle ça tromper son monde. Preuve que le médecin avait posé le bon diagnostic sur le CIO, un patient qu'il s'agit de ne pas brusquer… avant l'intervention chirurgicale.