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Les «Eléphants» ivoiriens ont été remis au pas par le général Gueï dans un camp militaire

La sélection ivoirienne a été libérée après trois jours passés de détention. La population se montre très déçue par sa contre-performance à la Coupe d'Afrique des Nations

La détention des joueurs de l'équipe ivoirienne de football a pris fin jeudi, après un stage d'éducation patriotique de trois jours au camp militaire de Zambakro, à 18 kilomètres de la capitale Yamoussoukro. En retenant la formation, le général Gueï, au pouvoir depuis le coup d'état du 24 décembre dernier, voulait lui inculquer la fibre civique.

A peine rentré jeudi soir d'un voyage officiel à Dakar, le nouvel homme fort ivoirien a longuement sermonné les joueurs. Il les a menacés de devoir accomplir leurs 18 mois d'obligations militaires en cas de récidive. Les Eléphants (c'est ainsi que les Ivoiriens appellent leur sélection nationale) ont ensuite dû chanter l'hymne national. Au garde à vous. Puis ils ont été libérés. Cet épilogue a probablement été favorisé par les pressions exercées par la Fédération internationale de football (FIFA). Dans une lettre adressée à la Fédération ivoirienne de football, le président de la FIFA, le Suisse Joseph Blatter, avait fait part de sa grande inquiétude au sujet de cette détention abusive.

Cités parmi les favoris logiques de cette 22e Coupe d'Afrique des Nations (CAN), les Eléphants se sont fait éliminer dès le premier tour de la compétition. Avec un point égaré contre le Togo (1-1) et une défaite 3-0 quatre jours plus tard contre les Lions indomptables du Cameroun, le bilan est maigre. Malgré leur victoire 2-0 contre le Ghana, les Eléphants ont été éliminés à la différence de but.

Ce qui a entraîné la colère de la junte militaire ivoirienne. Pour Julien Ombelli, médecin suisse joint vendredi à Abidjan, le général Gueï n'en est pas à son coup d'essai: «Suite au coup d'état, la plupart des ministres du président déchu Henri Konan Bédié avaient été retenus – pour des raisons de sécurité – dans un camp militaire.» Lors d'un stage préparatoire à la CAN, Saliou Lassissi, joueur de Parme, avait lui aussi goûté à la rigueur du gris-vert. Il avait eu la mauvaise idée de se battre avec un coéquipier lors d'un entraînement.

Les méthodes du général Gueï ont soulevé l'indignation en Europe. La perception de cette «punition» a été un peu différente en Côte d'Ivoire. Julien Ombelli le confirme: «La population a ironiquement affublé son équipe nationale d'un nouveau sobriquet: les Pachydermes. Les Ivoiriens supportent mal de voir des vedettes de grands clubs européens se traîner à la CAN sous le maillot ivoirien. Cela d'autant moins que les supporters se sont massivement mobilisés pour soutenir l'équipe nationale.»

Les amoureux des Eléphants ont formé des comités de soutien. Ils ont versé des contributions de 1000 à 2000 francs CFA (100 francs CFA = 25 centimes suisses). Une somme importante quand on sait que le salaire mensuel moyen d'un Ivoirien est compris entre 15 000 et 20 000 CFA. Julien Ombelli renchérit: «La presse nationale a publié que chaque membre de la sélection ivoirienne a touché une prime de 5 millions de francs CFA pour le point obtenu contre le Togo. Les Camerounais n'ont reçu eux que 500 000 francs CFA pour leur victoire contre les Eléphants. Les supporters se demandent pourquoi on verse de telles sommes à des joueurs déjà surpayés. Sans compter que, malgré les primes reçues, le climat n'était pas au beau fixe au sein de l'équipe. Certains en sont même venus aux mains lors d'un repas à l'hôtel. Et comme la délégation ivoirienne partageait le même hôtel que les équipes camerounaise et togolaise, l'affaire a vite fait de s'ébruiter.» Le médecin poursuit: «Une partie de la population approuve ainsi les mesures prises par le général Gueï.»

En Europe, un pareil échec aurait probablement entraîné le limogeage de l'entraîneur. La place de Martin Gbonke, le sélectionneur ivoirien, n'est pour l'heure pas remise en cause. Il a été choisi par le colonel Mathias Doué, ministre des Sports et numéro 4 du régime. Celui-ci n'a probablement pas envie de remettre en cause l'un de ses choix.