«Il faut y croire jusqu’au bout»
football
Michel Schafroth, manager de l’équipe de Suisse des M17 qui affrontera la Colombie jeudi en demi-finale de Coupe du monde, commente cette formidable aventure
Le Temps: La Suisse vient de battre le Brésil, l’Allemagne et l’Italie, trois «monstres» du foot. Craignez-vous une décompression, jeudi contre la Colombie?
Michel Schafroth: Une décompression, non. Mais l’équipe a en effet été submergée par les demandes des médias, et nous avons mis les joueurs en garde. Nous leur avons demandé de ne pas se dissiper, de ne pas trop aller voir sur Internet ce qui se dit à leur sujet. Notre mission est de les garder concentrés, mais ils ont un but commun depuis le début et je ne crois pas qu’ils vont lâcher maintenant. Quant à sous-estimer la Colombie, il n’y a aucun risque. Cette équipe a battu l’Argentine, elle a éliminé la Turquie et elle est en demi-finale, comme nous…
– Quels mots mettriez-vous sur le parcours incroyable de cette sélection helvétique?
– Ce qu’ils font est extraordinaire, absolument phénoménal, surtout dans cet environnement très particulier.
– Expliquez-nous…
– Il y a d’abord cette chaleur, entre 30 et 35 degrés, avec une grande humidité. Ensuite, nous vivons sous haute sécurité 24 heures sur 24, que cela soit à Lagos ou à Abuja. Nous ne pouvons pas sortir de l’hôtel, ou alors sous escorte policière pour aller aux matches ou à l’entraînement. En traversant la ville de Lagos, on voit des immondices partout, une grande misère…
– Dans quelle mesure peut-on tirer un parallèle entre ce contexte et les résultats obtenus par l’équipe de Suisse?
– Les joueurs se rendent d’autant plus compte de la chance qu’ils ont d’être choyés toute la journée, de bien manger. Ce n’est pas par hasard s’il y a dans ce groupe une telle solidarité, une telle envie d’aller le plus loin possible. L’autre jour, nous avons fait une excursion en mer, pour aller sur une petite île. Nous avons côtoyé un peu les gens, les joueurs leur ont donné des bonbons et des t-shirts, ils ont joué un moment ensemble sur un terrain vague. Tout cela fait qu’après, on a moins tendance à se plaindre.
– Comme ses devancières, cette Suisse M17 est composée en grande partie de «secondos». Parlez-nous de la vie du groupe.
– Elle est très riche. Les jeunes se connaissent déjà bien parce qu’à quelques exceptions près, c’est la même équipe depuis deux ou trois ans. Il n’y a aucun clan entre les 21 joueurs qui viennent des quatre coins de la Suisse, qui sont originaires des pays de l’ex-Yougoslavie, d’Espagne, du Portugal ou de la Tunisie.
– Ils sont déjà traités comme des héros par certains médias. En sont-ils conscients?
– On sait que l’écho est important, qu’il y avait autant de monde dimanche devant la télé pour notre quart contre l’Italie que pour le match de Federer. Mais bon, les problèmes de connexion et les coupures d’électricité ont le mérite de maintenir le groupe à l’écart de cette agitation.
– Dans ces tournois de jeunes, l’autre «menace» est souvent constituée par les agents de joueurs. Qu’en est-il?
– On n’en voit pas beaucoup parce que pour des questions de visa, ce n’est pas évident de venir au Nigeria. De toute façon, la plupart des joueurs ont déjà leur agent. C’est sûr qu’ils auront une autre valeur à la fin de cette Coupe du monde qu’au début, mais je ne pense pas que cela soit de nature à les perturber.
– La Suisse sera-t-elle championne du monde dimanche?
– J’ai envie de vous dire oui, il faut y croire jusqu’au bout. J’ai déjà souvent eu l’impression que cette équipe était arrivée à ses limites, mais elle parvient toujours à les repousser. Alors oui, j’ai confiance.