La bouche alternativement pleine de bière et de chansons, les supporters anglais qui débarquent au nord du Portugal semblent convaincus que leurs favoris vont battre les Pays-Bas ce jeudi à Guimarães (20h45 heure suisse) puis remporter la Ligue des nations. Le phénomène dépasse largement le cadre des cohortes de fans en vadrouille: il se trouve des enthousiastes pour considérer les Three Lions parmi les favoris de chaque grande compétition internationale de football, même si leur palmarès se limite à un titre mondial qui commence à dater (1966) et qu’ils déçoivent plus souvent qu’ils n’enthousiasment ces vingt dernières années.

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Le contraste est saisissant avec les clubs anglais, qui eux ont véritablement pris le pouvoir sur l’Europe du football. La saison qui vient de s’achever en a offert une illustration très claire via les compétitions continentales: Chelsea et Arsenal se sont affrontés en finale de la Ligue Europa; Liverpool et Tottenham en finale de la Ligue des champions. Avec en plus les deux formations de Manchester, la moitié des formations engagées au stade des quarts de finale de la reine des compétitions étaient anglaises.

Le miracle des droits TV

Au classement des nations de l’UEFA, qui détermine le nombre de places européennes par pays en fonction des résultats des clubs, l’Espagne était toute-puissante depuis 2012. Voilà deux saisons que les performances cumulées de ses représentants sont moins bonnes que celles des clubs anglais. Elle demeure en tête car la hiérarchie est établie en faisant la moyenne des cinq dernières saisons, mais cela ne durera pas si la tendance actuelle demeure.

Ce renversement récent s’explique par l’explosion des revenus liés aux droits TV de la Premier League. Par la grâce des accords négociés dès la saison 2016-2017, même les plus pauvres des clubs de première division anglaise se sont hissés au rang de nouveaux riches du football international. La dernière édition du rapport «Football Money League», publié en début d’année par le cabinet Deloitte, place 13 clubs anglais parmi les 30 générant le plus de revenus en Europe. C’est ainsi que le Brighton & Hove Albion FC, promu en première division en 2017 seulement, pointe au 29e rang avec 157,4 millions d’euros de revenus, devant le grand Benfica Lisbonne (30e, 150,7 millions d’euros).

Mais cette prise de pouvoir peine à déteindre sur les résultats de l’équipe d’Angleterre. Ce n’est pas faute d’investir dans la formation. Ces dernières années, les clubs ont développé leurs académies. Les jeunes de Chelsea sont des abonnés au dernier carré de la Youth League, la Ligue des champions des moins de 19 ans. Burnley, dont Le Temps a visité les infrastructures l’automne dernier, n’a jamais cassé sa tirelire pour un transfert mais investit massivement pour offrir à ses espoirs des conditions de développement optimales.

La dernière étape

Même les sélections nationales de jeunes se distinguent depuis quelques années. Les M17 anglais sont champions du monde en titre, comme les M20 pour quelques jours encore (l’édition 2019 a lieu en ce moment en Pologne et ils n’y sont pas).

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Si la première équipe d’Angleterre peine, elle, à régater parmi les meilleures nations du monde, c’est qu’elle souffre de la difficulté de ses talents à franchir la dernière étape vers le très haut niveau. Les équipes de Premier League forment énormément, mais sont si fortunées qu’elles ont toujours l’opportunité de préférer un mercenaire à un jeune du cru. Des cinq grands championnats européens, c’est celui qui compte la plus grande part de joueurs étrangers: 67,1%. Trois Anglais seulement ont joué la finale de la Ligue Europa, sept la finale de la Ligue des champions. Chelsea n’en alignait aucun au coup d’envoi.

Et les meilleurs Anglais ne sont pas non plus très nombreux à s’exporter. Sur les 23 joueurs retenus par Gareth Southgate pour le Final Four de la Ligue des nations, un seul évolue loin de son île: Jadon Sancho au Borussia Dortmund. Comme c’est le cas aujourd’hui de ce petit prodige qui a claqué 12 buts en Bundesliga l’année de ses 19 ans, plusieurs kids ont incarné ces dernières années les espoirs de l’Angleterre de redevenir une équipe dominante du football des nations. Et si le moment était enfin venu?